fut d'avoir vainement explore les ruines de San-Silvio,
vainement soumis a une sorte d'enquete tous ceux qui s'y trouvaient
lorsque l'incendie eclata et tous ceux qui furent temoins de
l'embarquement et de la fuite de Soranzo, sans pouvoir recueillir aucun
renseignement certain sur le sort de Giovanna Morosini, de Leontio et de
Mezzani. Selon toute vraisemblance, ces deux derniers avaient peri dans
l'incendie; car ils n'avaient point reparu depuis, et certes ils l'eussent
fait s'ils eussent pu echapper au desastre. Mais le sort de la signora
Soranzo restait enveloppe de mystere. Les uns etaient persuades, d'apres
les dernieres paroles que le gouverneur avait dites en partant, qu'elle
avait ete victime du feu; les autres (et c'etait le grand nombre)
pensaient que ces paroles memes, dans la bouche d'un homme aussi dissimule,
prouvaient le contraire de ce qu'il avait voulu donner a croire. La
signora, selon eux, avait ete la premiere soustraite au danger et conduite
a bord de sa galere. Le trouble qui regnait alors pouvait expliquer
comment personne ne se souvenait de l'avoir vue sortir du donjon et de
l'ile. Sans doute Orio avait eu des raisons particulieres pour la garder
cachee a son bord a l'heure du depart. L'horreur qu'il avait depuis
longtemps pour cette ile et son irresistible desir de la quitter avaient
pu l'engager a feindre un grand desespoir par suite de la mort de sa femme,
afin de fournir une excuse a son depart precipite, a l'abandon de sa
charge, a la violation de tous ses devoirs militaires. Mocenigo, ayant
epuise tous les moyens d'eclaircir ces faits, proceda a l'embarquement et
au depart; mais il ne s'etablit dans sa nouvelle position qu'apres avoir
envoye a Morosini un avis pressant, afin qu'il eut a s'informer
promptement de sa niece dans Venise, ou l'on presumait que le deserteur
Soranzo l'avait ramenee.
Pour vous, qui savez quelle etait la veritable position de Soranzo, vous
seriez portes a croire, au premier apercu, que, maitre de tresors si
cherement acquis, ayant tout a craindre s'il retournait a Venise, il
cingla vers d'autres parages, et alla chercher une terre neutre ou la
preuve de ses forfaits ne put jamais venir le troubler dans la jouissance
de ses richesses. Pourtant il n'en fut rien, et l'audace de Soranzo en
cette circonstance couronna toutes ses autres impudences. Soit que les
ames laches aient un genre de courage desespere qui n'est propre qu'a
elles, soit que la fatalite que notre ami
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