u_, a l'eglise des Cordeliers, pres du _monument de
Philippe de Gueldres_, nous revons un art debarrasse de cette rhetorique
qu'a certains jours on croit toucher dans Michel-Ange: un art ayant
toute la saveur tragique du langage populaire, ou n'atteint jamais la
plus noble eloquence des poetes. Mais cette race mal consciente
d'elle-meme, qui venait d'enfanter obscurement le genie de
Ligier-Richier, se mit toujours a l'ecole chez ses voisins. Elle ignora
quel fils elle portait. Cette beaute imperieuse dont Ligier a vetu la
mort, aujourd'hui encore est mal connue. Une vague legende, d'ailleurs
insoutenable, voila tout ce que savent les Lorrains: Michel-Ange
rencontrant l'artiste lui aurait fait l'honneur de l'emmener avec lui.
Eh! grand Dieu! le sot eloge!
Ces deux Lorraines echouerent, la Lorraine de l'ironie comme celle de la
grandeur sans morgue, pour avoir ignore leur genie et doute
d'elles-memes timidement. Le sentiment qui donnait a cette race une
notion si fine du ridicule lui fit peut-etre craindre de s'epancher. A
chaque generation, elle se retrecit. Son art n'a jamais d'abandon ni
d'audace, tout est voulu: suppression des details significatifs,
imitation des ecoles etrangeres. La meilleure partie de la Lorraine, sa
noblesse et ses artistes, toujours avaient soupire avec une admiration
naive vers l'Italie; a Claude Gellee il fut donne d'y vivre. Il porta
dans l'ecole romaine nos instincts et notre discipline. Il peignit ce
ciel, cette terre et cette mer dans une lumiere si vaporeuse, avec une
harmonie si impossible, qu'on peut dire vraiment qu'en copiant, c'etait
son reve, notre reve, qu'il exprimait. C'etait une desertion. Il
profitait de l'ideal de ces ancetres, pour en fortifier l'Italie; il n'a
pas accru la conscience de sa race.
Apres lui, la Lorraine, qui l'ignora, comme elle avait meconnu
Ligier-Richier, desseche de plus en plus sa veine. Et l'effort du
dernier artiste sorti vraiment de l'ame populaire, le dernier travail ne
devant rien a l'etranger, sera cette admirable grille du serrurier Jean
Lamour: une dentelle en fer.
Qu'importe si la delicieuse statue de Bagard (1639-1709), garconniere
maligne et touchante qui porte un medaillon, nous ravit et nous retient
longuement dans le rez-de-chaussee du _musee lorrain_! C'est une grande
dame raffinee; sa spirituelle affeterie mondaine ferait paraitre un peu
grossiere la simplicite, la gouaillerie de nos meilleurs aieux. Elle est
bien du passe, l'ame lor
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