pement de ma carriere, si vous la voyez tourner a mille choses
faciles que j'etais ne pour mepriser toujours, ne vous etonnez pas.
Croyez que je demeure celui que vous avez connu, mais pousse a un tel
point que les attitudes memes que nous estimions jadis, je les dedaigne:
car vis-a-vis des reves que j'entrevois, un peu plus, un peu moins,
c'est bien indifferent. Et ces reves eux-memes n'ont pas grande
importance, parce que je mourrai un jour, parce que je ne suis pas sur
que dans cette courte vie elle-meme mon ideal d'aujourd'hui soit demain
mon ideal, enfin parce que je sais n'avoir une idee claire qu'a de rares
intervalles, au plus deux heures par jour dans mes bonnes periodes.--En
consequence, j'ai adopte cinq ou six doutes tres vifs sur l'importance
des parties les meilleures de mon Moi.
"L'evidente insignifiance de toutes les postures que prend l'elite au
travers de l'ordre immuable des evenements m'obsede. Je ne vois partout
que gymnastique. Quoi que je fasse desormais, mon ami, jugez-moi d'apres
ce parti pris qui domine mes moindres actes.
Il est impossible que nous cessions de nous interesser l'un a l'autre;
il est probable cependant que nous cesserons de nous ecrire. Cela ne
vous blessera pas, mon cher Simon. Vous savez si je vous aime; en
realite, nous sommes freres, de lits differents, ajouterai-je, pour
justifier certaines differences de nos ames; nous avons une partie de
notre Moi qui nous est commune a l'un et a l'autre; eh bien! c'est parce
que je veux etre etranger meme a moi que je veux m'eloigner de vous.
_Alienus!_ Etranger au monde exterieur, etranger meme a mon passe,
etranger a mes instincts, connaissant seulement des emotions rapides que
j'aurai choisies: veritablement Homme libre!"
* * * * *
Cette lettre ecrite, je reflechis que ce desir d'etre compris, ce besoin
de me raconter, de trouver des esprits analogues au mien etait encore
une sujetion, un manque de confiance envers mon Moi. Et si je la fis
tenir a Simon, c'est uniquement par esprit d'ordre, pour fermer la
boucle de la premiere periode de ma vie.
Avril 1887.
* * * * *
APPENDICE
NOTE DE LA PAGE VI
* * * * *
REPONSE A M. RENE DOUMIC
_PAS DE VEAU GRAS_!
Dans un article de la _Revue des Deux Mondes_, M. Rene Doumic dresse le
"Bilan d'une generation", et voici comment il le resume: "Les beaux
jours du dilettantisme
|