able insuffisance de
l'ame que me fit cette race.
Deux grandes causes d'echec pour la Lorraine: le pays fut si tourmente
que les artistes, c'est-a-dire une des parties les plus conscientes de
la race, desertaient continuellement, s'etablissaient en Italie, s'y
deformaient; bons ou mauvais, ils devenaient Italiens en Lorraine. Puis
il n'y eut pas de riche bourgeoisie pour s'enorgueillir d'un art local,
mais une aristocratie, sans cesse en rapport avec des pays plus
puissants, honteuse de sentir son provincial et prenant le bel air de
France ou d'Italie.
Pourtant, le palais ducal, modifie dans le gout Renaissance et dont les
quatre cinquiemes ont disparu, nous fait voir un cote de l'ame lorraine,
l'esprit gouailleur; une gouaillerie nullement rabelaisienne, jamais
lyrique, mais faite d'observation, plutot matoise que verveuse. C'est de
la caricature, sans grande joie. Le sec Callot, sec en depit de
l'abondance studieuse de ses compositions, appartient a la jeunesse de
la race; le grouillement et l'emotion des guerres qu'il a vues le
soutiennent. Mais Grand ville, si mesquin et penible, devait etre le
dernier mot de cette veine qui n'aboutit pas. On la sent pourtant bien
personnelle, la malice de ce petit peuple; si cette race eut ete
heureuse, elle possedait l'element d'un art particulier. Les legendes,
chansons, anecdotes, la finesse si particuliere de ses grands hommes, et
meme aujourd'hui le tour d'esprit des campagnards etablissent bien qu'un
certain comique se preparait. Cette verve, toujours un peu maigre,
epuisee par les guerres et l'eloignement des artistes, alla se
dessechant. Il ne resta plus de cette promesse qu'une tendance
deplorable au precis, au voulu, un acharnement a l'elegance meticuleuse.
Au quinzieme siecle, a cote de cette grele malice, l'ame lorraine fait
voir un sens humain de la vie tres profond, une grande pitie. Ce petit
peuple, qui s'agenouillait devant la Dame de Bon-Secours et qui haissait
la servitude, ne laissait pas de ressentir des frissons tragiques. Comme
Michel-Ange, qui presque seul au milieu d'un peuple d'imagination
riante, recut une empreinte des horreurs de l'Italie guerriere,
Ligier-Richier dramatisa parmi les Lorrains, qui, sans treve foules,
gouaillaient. Quelle simplicite, quelle franchise! Il est bien le frere
des heros naifs de cette race! Ah! l'admirable voie que c'etait la! Ne
discutons pas la force sublime de l'Italien, mais a Saint-Michel, pres
de _la Mise au tombea
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