incroyable humiliation se repandit en moi comme un flot sale. J'etais
reduit a un tel enfantillage que j'aurais aime pleurer. J'etais blesse
que Simon abondat si brutalement dans mes blasphemes car j'avais une
nouvelle demarche a lui proposer. Mais je sentis bien qu'il
accueillerait avec defiance mes reflexions d'Haroue.
En vain essayames-nous, avec une excellente fine champagne, de nous
relever. J'y gagnai le soir un sommeil epais, mais des l'aube c'etait
une acuite, une surexcitation d'esprit insupportable, avec, par tout le
corps, des fourmillements.
Je fus obsede, a cette epoque, d'un sentiment intense, qui, sans raison
apparente, se leve en moi a de longs intervalles: l'idee qu'un jour, ne
fut-ce qu'a ma derniere nuit, sur mon oreiller froisse et brulant, je
regretterai de n'avoir pas joui de moi-meme, comme toute la nature
semble jouir de sa force, en laissant mon instinct s'imposer a mon ame
en irreflechi.
Persecute par cette idee fixe, je serrais mon front dans mes mains, et
me rejetais en arriere avec une detresse incroyable. Je crois bien que
je ne desire pas grand'chose, et les choses que je desire, il me serait
possible de les obtenir avec quelque effort; aussi n'est-ce pas leur
absence qui m'attriste, mais l'idee qu'il viendra un jour ou, si je les
desirais, ce serait trop tard. Et, seule, la probabilite que, dans la
mort on ne regrette rien, peut attenuer ma tristesse. C'est un grand
malheur que notre instinctive croyance a notre liberte, et puisque nous
ne changeons rien a la marche des choses, il vaudrait mieux que la
nature nous laissat aveugles au debat qu'elle mene en nous sur les
diverses manieres d'agir egalement possibles. Malheureux spectateur, qui
n'avons pas le droit de rien decider, mais seulement de tout regretter!
Parfois, dans ce desarroi de mon etre, d'etranges images montaient du
fond de ma sensibilite que je ne systematisais plus.
Il etait six heures; depuis trente minutes peut-etre nous n'avions pas
ouvert la bouche. Je me pris a rever tout haut dans cette chambre
eclairee seulement par le foyer:
Peut-etre serait-ce le bonheur d'avoir une maitresse jeune et impure,
vivant au dehors, tandis que moi je ne bougerais jamais, jamais. Elle
viendrait me voir avec ardeur; mais chaque fois, a la derniere minute,
me pressant dans ses bras, elle me montrerait un visage si triste, et
son silence serait tel que je croirais venu le jour de sa derniere
visite. Elle reviendrait, mais perpetu
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