nce morale et de clairvoyance.
La vulgarite meme ne m'atteint pas, car assis au fond de mon palais
lucide, je couvre le scandaleux murmure qui monte des autres vers moi
par des airs varies, que mon ame me fournit a volonte.
J'ai renonce a la solitude; je me suis decide a batir au milieu du
siecle, parce qu'il y a un certain nombre d'appetits qui ne peuvent se
satisfaire que dans la vie active. Dans la solitude, ils m'embarrassent
comme des soudards sans emploi. La partie basse de mon etre, mecontente
de son inaction, troublait parfois le meilleur de moi-meme. Parmi les
hommes je lui ai trouve des joujoux, afin qu'elle me laisse la paix.
Ce fut la grande tristesse de Dieu de voir que ses anges, des emanations
de lui-meme, desertaient son paradis pour aimer les filles des hommes.
J'ai trouve un joint qui me permet de supporter sans amertume que des
parties de moi-meme inclinent vers des choses vulgaires. Je me suis
morcele en un grand nombre d'ames. Aucune n'est une ame de defiance;
elles se donnent a tous les sentiments qui les traversent. Les unes vont
a l'eglise, les autres au mauvais lieu. Je ne deteste pas que des
parties de moi s'abaissent quelquefois: il y a un plaisir mystique a
contempler, du bas de l'humiliation, la vertu qu'on est digne
d'atteindre; puis un esprit vraiment orne ne doit pas se distraire de
ses preoccupations pour peser les vilenies qu'il commet au meme moment.
J'ai pris d'ailleurs cette garantie que mes diverses ames ne se
connaissent qu'en moi de sorte que n'ayant d'autre point de contact que
ma clairvoyance qui les crea, elles ne peuvent cabaler ensemble. Qu'une
d'elles compromette la securite du groupe et par ses exces risque
d'entrainer la somme de mes ames, toutes se ruent sur la refractaire.
Apres une courte lutte, elles l'ont vite maitrisee; c'est ce qu'on a pu
voir dans l'anecdote d'amour.
Vraiment, quand j'etais tres jeune, sous l'oeil des Barbares et encore a
Jersey, je me mefiais avec exces du monde exterieur. Il est repoussant,
mais presque inoffensif. Comme l'onagre par le nez, il faut maitriser
les hommes en les empoignant par leur vanite. Avec un peu d'alcool et
des viandes saignantes a ses repas, avec de l'argent dans ses poches, on
peut supporter tous les contacts. Un danger bien plus grave, c'est, dans
le monde interieur, la sterilite et l'emballement! Aujourd'hui, ma
grande preoccupation est d'eviter l'une et l'autre de ces maladresses.
On connait ma methode: je tiens en
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