barrassee de ces grossiers instincts qui
ralentissent la plupart des hommes. A son contact, j'affinerai mes
frissons, et mon sang brulera d'une ardeur plus vive aupres d'un tel
corps qui me semble une flamme. _Ah! laisse-moi puiser la fievre_ a
m'imaginer cette jeune poitrine qui ne fut gonflee que pour des choses
abstraites.
Les chanteurs, la musique disaient:
_Dors, noble enfant, repose a jamais_...
Quoi qu'on me dise un jour, quelque degout qui me vienne a te relire, je
te promets de continuer a te voir, selon la legende qu'aujourd'hui je me
fais de toi. Comment pouvais-tu causer des heures entieres avec cet
artisan? a moins peut-etre qu'emu par ta divine complaisance, ce petit
peintre grossier n'ait ete tres bon et tres naturel, ce qui est un grand
charme! Jamais tu n'avouas aucun sentiment tendre; je veux aller jusqu'a
croire que jamais tu ne ressentis le moindre trouble, meme quand la date
de ton dernier soupir se precisant, tu vis qu'il fallait quitter la vie
sans avoir realise aucun de tes pressentiments de bonheur. Tu n'aurais
connu que deception a chercher ta part de femme, mais c'eut ete une
faiblesse bien naturelle. Je te loue hautement d'avoir vu que cette
image du bonheur est vaine. _Dors, noble enfant, repose a jamais_ dans
ma memoire, seule comme il faut qu'un etre libre vive.
Les chanteurs, la musique disaient:
_Au bord du lac, tranquille abri_...
Et moi, rentre au silencieux desert de mon hotel, regrettant presque la
retraite etroite, la demi-securite de Saint-Germain, mal soutenu par
l'espoir si vague de construire mon bonheur dans Venise, tremblant que,
d'un instant a l'autre, ma fatigue ne se changeat en aveu d'impuissance,
je me plus a m'imaginer qu'a Simon j'avais substitue Marie, et que cette
voyageuse m'allait etre un compagnon ideal, dans un _tranquille abri, au
bord d'un lac_, qui est l'univers entier ou je veux me contempler.
* * * * *
CHAPITRE IX
VEILLEE D'ITALIE
_(Enseignement du Vinci)_
Nous avions passe le theatral Saint-Gothard et ses precipices. Un doux
plaisir me toucha devant la fuite du lac de Lugano, quand sa rive
trempee de grace fut effleuree par le train de Milan. Au soir, nous
accentuames la grande descente sur l'Italie. Un poitrinaire, portant a
sa bouche sans cesse une liqueur d'apaisement, menait un bruit lugubre
derriere moi. Mais qu'est-ce qu'un homme? J'ouvris au froid les fenetres
du wagon. Des mots his
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