is il y a lieu de croire que pour Moliere,
comme pour les anciens tragiques et comiques, cette division d'actes
est imaginee ici apres coup et artificielle. Moliere dans ses premieres
pieces ne s'astreint guere plus que Plaute a cette division reguliere;
il laisse frequemment la scene vide, sans qu'on puisse supposer l'acte
termine en ces endroits. Il se rangea bien vite, il est vrai, a
la regularite des lors professee; mais on voit (et c'est sur quoi
j'insiste) combien il avait naturellement les habitudes de l'epoque
anterieure. Pour obvier a des larcins pareils a celui de Neufvillenaine,
Moliere dut songer a publier dorenavant lui-meme ses pieces au fur et
a mesure des succes. _L'Ecole des Maris_, dediee au duc d'Orleans, son
protecteur, est le premier ouvrage qu'il ait publie de son plein gre; a
partir de ce moment (1661), il entra en communication suivie avec les
lecteurs. On le retrouve pourtant en defiance continuelle de ce cote; il
craint les boutiques de la galerie du Palais; il prefere etre juge
_aux chandelles_, au point de vue de la scene, sur la decision de la
multitude. On a cru, d'apres un passage de la preface des _Facheux_,
qu'il aurait eu dessein de faire imprimer ses remarques et presque sa
poetique, a l'occasion de ses pieces; mais, a mieux entendre le passage,
il en ressort que cette promesse, mal d'accord avec sa tournure de
genie, n'est pas serieuse en effet; ce serait plutot de sa part une
raillerie contre les grands raisonneurs selon Horace et Aristote. Sa
poetique, du reste, comme acteur et comme auteur, se trouve tout entiere
dans _la Critique de l'Ecole des Femmes_ et dans _l'Impromptu de
Versailles_, et elle y est en action, en comedie encore. A la scene VII
de _la Critique_, n'est-ce pas Moliere qui nous dit par la bouche
de Dorante: "Vous etes de plaisantes gens avec vos regles dont vous
embarrassez les ignorants et nous etourdissez tous les jours! Il semble,
a vous ouir parler, que ces regles de l'art soient les plus grands
mysteres du monde, et cependant ce ne sont que quelques observations
aisees que le bon sens a faites sur ce qui peut oter le plaisir que l'on
prend a ces sortes de poemes; et le meme bon sens, qui a fait autrefois
ces observations, les fait aisement tous les jours sans le secours
d'Horace et d'Aristote.... Laissons-nous aller de bonne foi aux
choses qui nous prennent par les entrailles, et ne cherchons point de
raisonnements pour nous empecher d'avoir du plaisir." Pour en
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