ne pelisse de son epaule."
A la selle etait attache un simple _touloup_ de peau de mouton.
"Et de plus, ajouta-t-il en hesitant, il vous donne un demi-
rouble... Mais je l'ai perdu en route; excusez genereusement."
Saveliitch le regarda de travers: "Tu l'as perdu en route, dit-il;
et qu'est-ce qui sonne dans ta poche, effronte que tu es?
-- Ce qui sonne dans ma poche! repliqua l'_ouriadnik_ sans se
deconcerter, Dieu te pardonne; vieillard! c'est un mors de bride
et non un demi-rouble.
-- Bien, bien! dis-je en terminant la dispute; remercie de ma part
celui qui t'envoie; tache meme de retrouver en t'en allant le
demi-rouble perdu, et prends-le comme pourboire.
-- Grand merci, Votre Seigneurie, dit-il en faisant tourner son
cheval; je prierai eternellement Dieu pour vous."
A ces mots, il partit au galop, tenant une main sur sa poche, et
fut bientot hors de la vue.
Je mis le _touloup_ et montai a cheval, prenant Saveliitch en
croupe.
"Vois-tu bien, seigneur, me dit le vieillard, que ce n'est pas
inutilement que j'ai presente ma supplique au bandit? Le voleur a
eu honte; quoique cette longue rosse bachkire et ce _touloup_ de
paysan ne vaillent pas la moitie de ce que ces coquins nous ont
vole et de ce que tu as toi-meme daigne lui donner en present,
cependant ca peut nous etre utile. D'un mechant chien, meme une
poignee de poils."
CHAPITRE X
_LE SIEGE_
En approchant d'Orenbourg, nous apercumes une foule de forcats
avec les tetes rasees et des visages defigures par les tenailles
du bourreau[52]. Ils travaillaient aux fortifications de la place
sous la surveillance des invalides de la garnison. Quelques-uns
emportaient sur des brouettes les decombres qui remplissaient le
fosse; d'autres creusaient la terre avec des beches. Des macons
transportaient des briques et reparaient les murailles. Les
sentinelles nous arreterent aux portes pour demander nos
passeports. Quand le sergent sut que nous venions de la forteresse
de Belogorsk, il nous conduisit tout droit chez le general. Je le
trouvai dans son jardin. Il examinait les pommiers que le souffle
d'automne avait deja depouilles de leurs feuilles, et, avec l'aide
d'un vieux jardinier, il les enveloppait soigneusement de paille.
Sa figure exprimait le calme, la bonne humeur et la sante. Il
parut tres content de me voir, et se mit a me questionner sur les
terribles evenements dont j'avais ete le temoin. Je le lui
racontai. Le vieillard m'ecoutait a
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