ue tu as fait pour moi.
Seulement, ne me demande rien qui soit contraire a mon honneur et
a ma conscience de chretien. Tu es mon bienfaiteur; finis comme tu
as commence. Laisse-moi aller avec la pauvre orpheline la ou Dieu
nous amenera. Et nous, quoi qu'il arrive, et ou que tu sois, nous
prierons Dieu chaque jour pour qu'il veille au salut de ton
ame..."
Je parus avoir touche le coeur farouche de Pougatcheff.
"Qu'il soit fait comme tu le desires, dit-il; il faut punir
jusqu'au bout, ou pardonner jusqu'au bout; c'est la ma coutume.
Prends ta fiancee, emmene-la ou tu veux, et que Dieu vous donne
bonheur et raison."
Il se tourna vers Chvabrine, et lui commanda de m'ecrire un sauf-
conduit pour toutes les barrieres et forteresses soumises a son
pouvoir. Chvabrine se tenait immobile et comme petrifie.
Pougatcheff alla faire l'inspection de la forteresse; Chvabrine le
suivit, et moi je restai, pretextant les preparatifs de voyage.
Je courus a la chambre de Marie; la porte etait fermee. Je
frappai:
"Qui est la?" demanda Palachka.
Je me nommai. La douce voix de Marie se fit entendre derriere la
porte.
"Attendez, Piotr Andreitch, dit-elle, je change d'habillement.
Allez chez Akoulina Pamphilovna; je m'y rends a l'instant meme."
J'obeis et gagnai la maison du pere Garasim. Le pope et sa femme
accoururent a ma rencontre. Saveliitch les avait deja prevenus de
tout ce qui s'etait passe.
"Bonjour, Piotr Andreitch, me dit la femme du pope. Voila que Dieu
a fait de telle sorte que nous nous revoyons encore. Comment
allez-vous? Nous avons parle de vous chaque jour. Et Marie
Ivanovna, que n'a-t-elle pas souffert sans vous, ma petite
colombe! Mais dites-moi, mon pere, comment vous en etes-vous tire
avec Pougatcheff? Comment ne vous a-t-il pas tue? Eh bien! pour
cela merci au scelerat!
-- Finis, vieille, interrompit le pete Garasim! ne radote pas sur
tout ce que tu sais; a trop parler, point de salut. Entrez, Piotr
Andreitch, et soyez le bienvenu. Il y a longtemps que nous ne nous
sommes vus."
La femme du pope me fit honneur de tout ce qu'elle avait sous la
main, sans cesser un instant de parler. Elle me raconta comment
Chvabrine les avait contraints a lui livrer Marie Ivanovna;
comment la pauvre fille pleurait et ne voulait pas se separer
d'eux; comment elle avait eu avec eux des relations continuelles
par l'entremise de Palachka, fille adroite et resolue, qui
faisait, comme on dit, danser _l'ouriadnik_ lu
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