qu'une folie. Est-ce bien a
toi de t'embarrasser d'une femme et de bercer des marmots? Crache
la-dessus. Ecoute-moi, separe-toi de la fille du capitaine. J'ai
nettoye et rendu sure la route de Simbirsk; envoie-la demain a tes
parents, et toi, reste dans mon detachement. Tu n'as que faire de
retourner a Orenbourg. Si tu tombes derechef dans les mains des
rebelles, il ne te sera pas facile de t'en depetrer encore une
fois. De cette facon, ton amoureuse folie se guerira d'elle-meme,
et tout se passera pour le mieux."
Quoique je ne fusse pas pleinement de son avis, cependant je
sentais que le devoir et l'honneur exigeaient ma presence dans
l'armee de l'imperatrice; je me decidai donc a suivre en cela le
conseil de Zourine, c'est-a-dire a envoyer Marie chez mes parents,
et a rester dans sa troupe.
Saveliitch se presenta pour me deshabiller. Je lui annoncai qu'il
eut a se tenir pret a partir le lendemain avec Marie Ivanovna. Il
commenca par faire le recalcitrant.
"Que dis-tu la, seigneur? Comment veux-tu que je te laisse? qui te
servira, et que diront tes parents?"
Connaissant l'obstination de mon menin, je resolus de le flechir
par ma sincerite et mes caresses.
"Mon ami Arkhip Saveliitch, lui dis-je, ne me refuse pas, sois mon
bienfaiteur. Ici je n'ai nul besoin de domestique, et je ne serais
pas tranquille si Marie Ivanovna se mettait en route sans toi. En
la servant, tu me sers moi-meme, car je suis fermement decide a
l'epouser des que les circonstances me le permettront."
Saveliitch croisa les mains avec un air de surprise et de
stupefaction inexprimable.
"Se marier! repetait-il, l'enfant veut se marier! Mais que dira
ton pere? et ta mere, que pensera-t-elle?
-- Ils consentiront sans nul doute, repondis-je, des qu'ils
connaitront Marie Ivanovna. Je compte sur toi-meme. Mon pere et ma
mere ont en toi pleine confiance. Tu intercederas pour nous,
n'est-ce pas?"
Le vieillard fut touche.
"O mon pere Piotr Andreitch, me repondit-il, quoique tu veuilles
te marier trop tot, Marie Ivanovna est une si bonne demoiselle,
que ce serait pecher que de laisser passer une occasion pareille.
Je ferai ce que tu desires. Je la reconduirai, cet ange de Dieu,
et je dirai en toute soumission a tes parents qu'une telle fiancee
n'a pas besoin de dot."
Je remerciai Saveliitch, et allai partager la chambre de Zourine.
Dans mon agitation, je me remis a babiller. D'abord Zourine
m'ecouta volontiers; puis ses paroles devinr
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