it chien de race anglaise courut a sa rencontre en aboyant.
Marie s'arreta effrayee. En ce moment resonna une agreable voix de
femme.
"N'ayez point peur, dit-elle; il ne vous mordra pas."
Marie apercut une dame assise sur un petit banc champetre vis-a-
vis du monument, et alla s'asseoir elle-meme a l'autre bout du
siege. La dame l'examinait avec attention, et, de son cote, apres
lui avoir jete un regard a la derobee, Marie put la voir a son
aise. Elle etait en peignoir blanc du matin, en bonnet leger et en
petit mantelet. Cette dame paraissait avoir cinquante ans; sa
figure, pleine et haute en couleur, exprimait le calme et une
gravite temperee par le doux regard de ses jeux bleus et son
charmant sourire. Elle rompit la premiere le silence:
"Vous n'etes sans doute pas d'ici? dit-elle.
-- Il est vrai, madame; je suis arrivee hier de la province.
-- Vous etes arrivee avec vos parents?
-- Non, madame, seule.
-- Seule! mais vous etes bien jeune pour voyager seule.
-- Je n'ai ni pere ni mere.
-- Vous etes ici pour affaires?
-- Oui, madame; je suis venue presenter une supplique a
l'imperatrice.
-- Vous etes orpheline; probablement vous avez a vous plaindre
d'une injustice ou d'une offense?
-- Non, madame; je suis venue demander grace et non justice.
-- Permettez-moi une question: qui etes-vous?
-- Je suis la fille du capitaine Mironoff.
-- Du capitaine Mironoff? de celui qui commandait une des
forteresses de la province d'Orenbourg?
-- Oui; madame."
La dame parut emue.
"Pardonnez-moi, continua-t-elle d'une voix encore plus douce, de
me meler de vos affaires. Mais je vais a la cour; expliquez-moi
l'objet de votre demande; peut-etre me sera-t-il possible de vous
aider."
Marie se leva et salua avec respect. Tout, dans la dame inconnue,
l'attirait involontairement et lui inspirait de la confiance.
Marie prit dans sa poche un papier plie; elle le presenta a sa
protectrice inconnue qui le parcourut a voix basse.
Elle commenca par lire d'un air attentif et bienveillant; mais
soudainement son visage changea, et Marie, qui suivait des yeux
tous ses mouvements, fut effrayee de l'expression severe de ce
visage si calme et si gracieux un instant auparavant.
"Vous priez pour Grineff, dit la dame d'un ton glace.
L'imperatrice ne peut lui accorder le pardon. Il a passe a
l'usurpateur, non comme un ignorant credule, mais comme un vaurien
deprave et dangereux.
-- Ce n'est pas vrai! s'ecria
|