ve au
service a Orenbourg, depuis le mois d'octobre 1773 jusqu'au 24
fevrier de la presente annee, jour auquel il s'absenta de la
ville, et depuis lequel il ne s'est plus represente. Cependant, on
a oui dire aux deserteurs ennemis qu'il s'etait rendu au camp de
Pougatcheff, et qu'il l'avait accompagne a la forteresse de
Belogorsk, ou il avait ete precedemment en garnison. D'un autre
cote, par rapport a sa conduite, je puis..."
Ici le general interrompit sa lecture, et me dit avec durete:
"Eh bien, que diras-tu maintenant pour ta justification?"
J'allais continuer comme j'avais commence et reveler ma liaison
avec Marie aussi franchement que tout le reste. Mais je ressentis
soudain un degout invincible a faire une telle declaration. Il me
vint a l'esprit que, si je la nommais, la commission la ferait
comparaitre; et l'idee d'exposer son nom a tous les propos
scandaleux des scelerats interroges, et de la mettre elle-meme en
leur presence, cette horrible idee me frappa tellement que je me
troublai, balbutiai et finis par me taire.
Mes juges, qui semblaient ecouter mes reponses avec une certaine
bienveillance, furent de nouveau prevenus contre moi par la vue de
mon trouble. L'officier aux gardes demanda que je fusse confronte
avec le principal denonciateur. Le general ordonna d'appeler le
_coquin d'hier_. Je me tournai vivement vers la porte pour
attendre l'apparition de mon accusateur. Quelques moments apres,
on entendit resonner des fers, et entra... Chvabrine. Je fus
frappe du changement qui s'etait opere en lui. Il etait pale et
maigre. Ses cheveux, naguere noirs comme du jais, commencaient a
grisonner. Sa longue barbe etait en desordre. Il repeta toutes ses
accusations d'une voix faible, mais ferme. D'apres lui, j'avais
ete envoye par Pougatcheff en espion a Orenbourg; je sortais tous
les jours jusqu'a la ligne des tirailleurs pour transmettre des
nouvelle ecrites de tout ce qui se passait dans la ville; enfin
j'etais decidement passe du cote de l'usurpateur, allant avec lui
de forteresse en forteresse, et tachant, par tous les moyens, de
nuire a mes complices de trahison, pour les supplanter dans leurs
places, et mieux profiter des largesses du rebelle. Je l'ecoutai
jusqu'au bout en silence, et me rejouis d'une seule chose: il
n'avait pas prononce le nom de Marie. Est-ce parce que son amour-
propre souffrait a la pensee de celle qui l'avait dedaigneusement
repousse, ou bien est-ce que dans son coeur brulait e
|