mment voulez-vous qu'un prince qui n'aura aucun droit...
-- Mon roi a moi, ou plutot votre roi a vous, sera tout ce qu'il
faut qu'il soit, soyez tranquille.
-- Prenez garde, prenez garde, monsieur d'Herblay, vous me donnez
le frisson, vous me donnez le vertige.
Aramis sourit.
-- Vous avez le frisson et le vertige a peu de frais, repliqua-t-
il.
-- Oh! encore une fois, vous m'epouvantez.
Aramis sourit.
-- Vous riez? demanda Fouquet.
-- Et, le jour venu, vous rirez comme moi; seulement, je dois
maintenant etre seul a rire.
-- Mais expliquez-vous.
-- Au jour venu, je m'expliquerai, ne craignez rien. Vous n'etes
pas plus saint Pierre que je ne suis Jesus, et je vous dirai
pourtant: "Homme de peu de foi, pourquoi doutez-vous?"
-- Eh! mon Dieu! je doute... je doute, parce que je ne vois pas.
-- C'est qu'alors vous etes aveugle: je ne vous traiterai donc
plus en saint Pierre, mais en saint Paul, et je vous dirai: "Un
jour viendra ou tes yeux s'ouvriront."
-- Oh! dit Fouquet que je voudrais croire!
-- Vous ne croyez pas! vous a qui j'ai fait dix fois traverser
l'abime ou seul vous vous fussiez engouffre; vous ne croyez pas,
vous qui de procureur general etes monte au rang d'intendant, du
rang d'intendant au rang de premier ministre, et qui du rang de
premier ministre passerez a celui de maire du palais. Mais, non,
dit-il avec son eternel sourire... Non, non, vous ne pouvez voir,
et, par consequent vous ne pouvez croire cela.
Et Aramis se leva pour se retirer.
-- Un dernier mot, dit Fouquet, vous ne m'avez jamais parle ainsi,
vous ne vous etes jamais montre si confiant, ou plutot si
temeraire.
-- Parce que, pour parler haut, il faut avoir la voix libre.
-- Vous l'avez donc?
-- Oui.
-- Depuis peu de temps alors?
-- Depuis hier.
-- Oh! monsieur d'Herblay, prenez garde, vous poussez la securite
jusqu'a l'audace.
-- Parce que l'on peut etre audacieux quand on est puissant.
-- Vous etes puissant?
-- Je vous ai offert dix millions, je vous les offre encore.
Fouquet se leva trouble a son tour.
-- Voyons, dit-il, voyons: vous avez parle de renverser des rois,
de les remplacer par d'autres rois. Dieu me pardonne! mais voila,
si je ne suis fou, ce que vous avez dit tout a l'heure.
-- Vous n'etes pas fou, et j'ai veritablement dit cela tout a
l'heure.
-- Et pourquoi l'avez-vous dit?
-- Parce que l'on peut parler ainsi de trones renverses et de rois
crees, quand on es
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