t assez complaisamment par egard pour ses deux
fils.
Il en resultait cet ascendant immense sur la Cour que Madame avait
conquis, et qui faisait de sa maison la veritable reunion royale.
Anne d'Autriche le sentit.
Se voyant souffrante et condamnee par la souffrance a de
frequentes retraites, elle fut desolee de prevoir que la plupart
de ses journees, de ses soirees, s'ecouleraient solitaires,
inutiles, desesperees.
Elle se rappelait avec terreur l'isolement ou jadis la laissait le
cardinal de Richelieu, fatales et insupportables soirees, pendant
lesquelles pourtant elle avait pour se consoler la jeunesse, la
beaute, qui sont toujours accompagnees de l'espoir.
Alors elle forma le projet de transporter la Cour chez elle et
d'attirer Madame, avec sa brillante escorte, dans la demeure
sombre et deja triste ou la veuve d'un roi de France, la mere d'un
roi de France, etait reduite a consoler de son veuvage anticipe la
femme toujours larmoyante d'un roi de France.
Anne reflechit.
Elle avait beaucoup intrigue dans sa vie. Dans le beau temps,
alors que sa jeune tete enfantait des projets toujours heureux,
elle avait pres d'elle, pour stimuler son ambition et son amour,
une amie plus ardente, plus ambitieuse qu'elle-meme, une amie qui
l'avait aimee, chose rare a la Cour, et que de mesquines
considerations avaient eloignee d'elle.
Mais depuis tant d'annees, excepte Mme de Motteville, excepte la
Molena, cette nourrice espagnole, confidente en sa qualite de
compatriote et de femme, qui pouvait se flatter d'avoir donne un
bon avis a la reine?
Qui donc aussi, parmi toutes ces jeunes tetes, pouvait lui
rappeler le passe, par lequel seulement elle vivait?
Anne d'Autriche se souvint de Mme de Chevreuse, d'abord exilee
plutot de sa volonte a elle-meme que de celle du roi, puis morte
en exil femme d'un gentilhomme obscur.
Elle se demanda ce que Mme de Chevreuse lui eut conseille
autrefois en pareil cas dans leurs communs embarras d'intrigues,
et, apres une serieuse meditation, il lui sembla que cette femme
rusee, pleine d'experience et de sagacite, lui repondait de sa
voix ironique:
-- Tous ces petits jeunes gens sont pauvres et avides. Ils ont
besoin d'or et de rentes pour alimenter leurs plaisirs, prenez-
les-moi par l'interet.
Anne d'Autriche adopta ce plan.
Sa bourse etait bien garnie; elle disposait d'une somme
considerable amassee par Mazarin pour elle et mise en lieu sur.
Elle avait les plus bell
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