u y etais, quand nous y etions enfin, il y avait au
siege de La Rochelle un Arabe qu'on renommait pour sa facon de
pointer les couleuvrines. C'etait un garcon d'esprit, quoiqu'il
fut d'une singuliere couleur, couleur de tes olives. Eh bien! cet
Arabe, quand il avait mange ou travaille, se couchait comme je
suis couche en ce moment, et fumait je ne sais quelles feuilles
magiques dans un grand tube a bout d'ambre; et, si quelque chef,
venant a passer, lui reprochait de toujours dormir, il repondait
tranquillement: "Mieux vaut etre assis que debout, couche
qu'assis, mort que couche."
-- C'etait un Arabe lugubre et par sa couleur et par ses
sentences, dit Planchet. Je me le rappelle parfaitement. Il
coupait les tetes des protestants avec beaucoup de satisfaction.
-- Precisement, et il les embaumait quand elles en valaient la
peine.
-- Oui, et quand il travaillait a cet embaumement avec toutes ses
herbes et toutes ses grandes plantes, il avait l'air d'un vannier
qui fait des corbeilles.
-- Oui, Planchet, oui, c'est bien cela.
-- Oh! moi aussi, j'ai de la memoire.
-- Je n'en doute pas; mais que dis-tu de son raisonnement?
-- Monsieur, je le trouve parfait d'une part, mais stupide de
l'autre.
-- Devise, Planchet, devise.
-- Eh bien! monsieur, en effet, mieux vaut etre assis que debout,
c'est constant surtout lorsqu'on est fatigue. Dans certaines
circonstances -- et Planchet sourit d'un air coquin -- mieux vaut
etre couche qu'assis. Mais, quant a la derniere proposition: mieux
vaut etre mort que couche, je declare que je la trouve absurde;
que ma preference incontestable est pour le lit, et que, si vous
n'etes point de mon avis, c'est que, comme j'ai l'honneur de vous
le dire, vous vous ennuyez a crever.
-- Planchet, tu connais M. La Fontaine?
-- Le pharmacien du coin de la rue Saint-Mederic?
-- Non, le fabuliste.
-- Ah! maitre corbeau?
-- Justement; eh bien! je suis comme son lievre.
-- Il a donc un lievre aussi?
-- Il a toutes sortes d'animaux.
-- Eh bien! que fait-il, son lievre?
-- Il songe.
-- Ah! ah!
-- Planchet, je suis comme le lievre de M. La Fontaine, je songe.
-- Vous songez? fit Planchet inquiet.
-- Oui; ton logis, Planchet, est assez triste pour pousser a la
meditation; tu conviendras de cela, je l'espere.
-- Cependant, monsieur, vous avez vue sur la rue.
-- Pardieu! voila qui est recreatif, hein?
-- Il n'en est pas moins vrai, monsieur, que, si vous logi
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