l'ordre philosophique des idees
conduit les autres a prendre quelque souci de leurs droits politiques
et a intervenir dans l'administration des affaires publiques.
Toutes les formes de gouvernement peuvent en effet se reduire a
trois[33]: la monarchie, resultat immediat et force de la croyance au
monotheisme; l'oligarchie ou aristocratie, qui resulte du pantheisme;
et la democratie ou republique, consequence du polytheisme ou de la
croyance a un Etre supreme remplissant une multitude de fonctions.
Cette derniere forme de gouvernement est l'expression la plus elevee
de l'intelligence politique d'un peuple, aussi bien que l'idee d'un
Dieu renfermant en lui toutes les vertus est la plus haute expression
des sentiments moraux et religieux de l'homme. C'est ainsi que nous
voyons le polytheisme et la democratie coexister chez les Grecs et
chez les Romains, et le christianisme, ou un Dieu sous la triple forme
de Createur, de Sauveur et d'Inspirateur, engendrer le republicanisme
des nations modernes.
[Note 33: Les opinions d'Aristote sur cette question ont ete examinees
et approfondies par M. James Lorimer, le savant professeur de droit
public et de legislation internationale a l'universite d'Edimbourg.
_Political progress_, London, 1857, chap. X. La doctrine soutenue
par Montesquieu _(Esprit des Lois_, XXIV, 4) a ete combattue par
un eminent publiciste de nos jours, M. de Parieu (_Principes de
la science politique_, Paris, 1870, p. 16), qui dit: "Bien que le
protestantisme paraisse par sa nature devoir developper le principe de
l'independance politique, il n'a pas atteint ce resultat d'une maniere
generale et considerable, d'apres le seul examen de la constitution de
plusieurs Etats protestants de l'Europe moderne."]
Les reformes successives du christianisme furent les consequences
naturelles de son developpement, et c'est ici le lieu d'examiner plus
specialement la derniere de ses phases, le calvinisme, dont l'action
se fit sentir en France avec les huguenots, dans les Pays-Bas, en
Ecosse avec les presbyteriens, en Angleterre avec les non-conformistes
et les puritains. Cet examen nous permettra de voir pourquoi les
agents de la France dans les colonies anglaises d'Amerique ont
pu trouver dans les principes religieux des colons un element de
desaffection contre leur mere patrie qu'ils eurent soin d'entretenir,
le seul peut-etre qui fut capable de soulever l'opinion publique
au point d'amener une rupture avec l'Angleterre
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