s et on ne peut pas encore le juger avec
impartialite. Les dissensions nees des luttes de 1789 et des massacres
de 1793 ne sont pas apaisees. La Revolution francaise n'est pas
terminee. L'egalite civile est acquise, mais la liberte politique est
toujours en question. Elle a de nombreux partisans, mais aussi de
puissants adversaires. Les Francais sauront-ils la conquerir et la
conserver[83]?
[Note 83: Voir sur ce sujet: de Parieu. _Science politique,_ p. 399.]
La Fayette a trop fait pour elle aux yeux des uns, pas assez au gre
des autres. N'ayant d'aspirations que pour le bien public, il ne fut
d'aucun camp, d'aucune faction. Tous les partis le repoussent comme
un adversaire; et, tandis qu'en France on conteste ses talents
militaires, que l'on qualifie son desinteressement de comedie, son
liberalisme de calcul, les Americains lui elevent des monuments et
associent dans leur reconnaissance son nom a celui de Washington.
Deux hommes qui, par leur position sociale, etaient les adversaires
naturels de La Fayette, mais que leur intelligence forcait a
reconnaitre sa valeur, lui ont rendu justice de son vivant. Napoleon,
il me semble, n'a jamais doute des principes ni des sentiments de M.
de La Fayette. Seulement il n'a pas cru a sa sagacite politique. On
sait qu'il fit aussi de la mise en liberte de La Fayette, prisonnier
des Autrichiens a Olmutz, une des conditions du traite de Campo-Formio.
Charles X, dans une audience qu'il donnait a M. de Segur en 1829, lui
dit: "M. de La Fayette est un etre complet; je ne connais que deux
hommes qui aient toujours professe les memes principes: c'est moi et
M. de La Fayette, lui comme defenseur de la liberte, moi comme roi de
l'aristocratie." Puis, en parlant de la journee du 6 octobre 1789:
"Des preventions a jamais deplorables firent qu'on refusa ses avis et
ses services[84]."
[Note 84: Cloquet, 109.]
Quand la France, soustraite par le temps aux influences qui alterent
la justice de ses arrets, pourra compter ceux de ses enfants qui ont
reellement merite d'elle, j'espere qu'elle mettra au premier rang les
hommes qui, tels que Malesherbes et La Fayette, par leur courage civil
et leurs qualites morales, leur inalterable serenite dans la bonne
comme dans la mauvaise fortune, furent les vrais apotres de la
civilisation et les plus sinceres amis de l'humanite.
VIII
Un historien francais a dit que les premiers Francais qui passerent
en Amerique reussirent mal[85]. La pl
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