leux de ma
conscience; c'est que sur 15,000 hommes a peu pres qui ont ete tues ou
blesses sous mes ordres dans les differents grades et les actions les
plus meurtrieres, je n'ai pas a me reprocher d'en avoir fait tuer un
seul pour mon propre compte[137]."
[Note 137: _Memoires_ de La Fayette, _correspondance_, p. 365.]
Les troupes francaises etaient d'ailleurs remplies d'ardeur, et le
meilleur accord existait entre elles et leurs allies. "Ces troupes,
dit La Fayette dans une lettre du 31 juillet ecrite de Newport au
general Washington[138], detestent jusqu'a la pensee de rester a
Newport et brulent de vous joindre. Elles maudissent quiconque leur
parle d'attendre la seconde division, et enragent de rester bloquees
ici. Quant aux dispositions des habitants et de la milice envers elles
et des leurs a l'egard de ces derniers, je les trouve conformes a tous
mes desirs. Vous vous seriez amuse l'autre jour en voyant 250 de nos
recrues qui venaient a Conanicut sans provisions, sans tentes, et qui
se melerent si bien avec les troupes francaises que chaque Francais,
officier ou soldat, prit un Americain avec lui et lui fit partager
tres-amicalement son lit et son souper. La patience et la sobriete de
notre milice est si admiree qu'il y a deux jours un colonel francais
reunit ses officiers pour les engager a suivre les bons exemples
donnes aux soldats francais par les troupes americaines. D'un autre
cote, la discipline francaise est telle que les poulets et les cochons
se promenent au milieu des tentes sans qu'on les derange et qu'il y a
dans le camp un champ de mais dont on n'a pas touche une feuille."
[Note 138: _Memoires_ de La Fayette.]
Je reprends les evenements d'un peu plus haut. A peine l'arrivee
de l'escadre francaise eut-elle ete signalee, que les principaux
habitants des cantons voisins accoururent au devant du corps
expeditionnaire. Le comte de Rochambeau fut complimente par les
autorites de l'Etat: "Nous venons, leur dit-il, defendre avec vous
la plus juste cause. Comptez sur nos sentiments fraternels et
traitez-nous en freres. Nous suivrons votre exemple au champ
d'honneur, nous vous donnerons celui de la plus exacte discipline et
du respect pour vos lois. Cette petite armee francaise n'est qu'une
avant-garde; elle sera bientot suivie de secours plus considerables,
et _je ne serai que le lieutenant du general Washington[139]_."
[Note 139: Le 21 juillet partit un brick pour donner des nouvelles en
France.]
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