iselle Olympe apportait sur une assiette des tranches de pain
grille; elle poussa devant elle le petit estropie que j'avais vu
culbuter tout a l'heure. L'abbe le saisit par le bras:
--Allons, Casimir! Vous n'etes plus un bebe; venez saluer Monsieur
Lacase comme un homme. Tendez la main ... Regardez en face!... puis se
tournant vers moi comme pour l'excuser:--Nous n'avons pas encore grand
usage du monde ...
La timidite de l'enfant me genait:
--C'est votre petit-fils? demandai-je a Madame Floche, oublieux des
renseignements que l'abbe m'avait fournis la veille.
--Notre petit-neveu, repondit-elle; vous verrez un peu plus tard mon
beau-frere et ma soeur, ses grands-parents.
--Il n'osait pas rentrer parce qu'il avait empli de boue ses vetements
en jouant avec Terno, expliqua Mademoiselle Verdure.
--Drole de facon de jouer, dis-je, en me tournant affablement vers
Casimir; j'etais a la fenetre quand il vous a culbute ... Il ne vous a
pas fait mal?
--Il faut dire a Monsieur Lacase, expliqua l'abbe a son tour, que
l'equilibre n'est pas notre fort ...
Parbleu! je m'en apercevais de reste, sans qu'il fut necessaire de me le
signaler. Ce grand gaillard d'abbe, aux yeux vairons, me devint
brusquement antipathique.
L'enfant ne m'avait pas repondu, mais son visage s'etait empourpre. Je
regrettai ma phrase et qu'il y eut pu sentir quelque allusion a son
infirmite. L'abbe, son potage pris, s'etait leve de table et arpentait
la piece; des qu'il ne parlait plus, il gardait les levres si serrees
que celle de dessus formait un bourrelet, comme celle des vieillards
edentes. Il s'arreta derriere Casimir, et comme celui-ci vidait son bol:
--Allons! Allons, jeune homme, Avenzoar nous attend!
L'enfant se leva; tous deux sortirent.
Sitot que le dejeuner fut acheve, Monsieur Floche me fit signe.
--Venez avec moi dans le jardin, mon jeune hote, et me donnez des
nouvelles du Paris penseur.
Le langage de Monsieur Floche fleurissait des l'aube. Sans trop ecouter
mes reponses, il me questionna sur Gaston Boissier son ami, et sur
plusieurs autres savants que je pouvais avoir eus pour maitres et avec
qui il correspondait encore de loin en loin; il s'informa de mes gouts,
de mes etudes ... Je ne lui parlai naturellement pas de mes projets
litteraires et ne laissai voir de moi que le sorbonnien; puis il
entreprit l'histoire de la Quartfourche, dont il n'avait a peu pres pas
bouge depuis pres de quinze ans, l'histoire du parc,
|