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fit mal.--Pour quelques sous vous pourrez l'acquerir, si le coeur vous
en dit toujours.
Je protestai de mon chagrin de la voir ne prendre pas au serieux un
sentiment dont l'expression seule etait brusque, mais qui depuis
longtemps m'occupait; mais a present elle demeurait impassible et
semblait resolue a ne plus ecouter rien de moi. Le temps pressait.
N'avais-je pas sur moi de quoi violenter son silence? L'ardente lettre
fremissait sous mes doigts. J'avais prepare je ne sais quelle histoire
d'anciennes relations de ma famille avec celle de Gonfreville, pensant
l'amener incidemment a parler; mais a ce moment je ne sentis plus que
l'absurdite de ce mensonge et commencai de raconter tout simplement par
quel mysterieux hasard cette lettre--et je la lui tendis--etait tombee
entre mes mains.
--Ah! je vous en conjure, Madame! ne dechirez pas ce papier! Rendez-le
moi ...
Elle etait devenue mortellement pale et garda quelques instants sans la
lire la lettre ouverte sur ses genoux; le regard vague, les paupieres
battantes, elle murmurait:
--Oublie de la reprendre! Comment avais-je pu l'oublier?
--Sans doute aurez-vous cru qu'elle lui etait parvenue, qu'il etait venu
la chercher ...
Elle ne m'ecoutait toujours pas. Je fis un mouvement pour me ressaisir
de la lettre; mais elle se meprit a mon geste:
--Laissez-moi, cria-t-elle en repoussant brutalement ma main. Elle se
souleva, voulut fuir. A genoux devant elle je la retins.
--N'ayez pas peur de moi, Madame; vous voyez bien que je ne vous veux
aucun mal; et comme elle se rasseyait, ou plutot retombait sans force;
je la suppliai de ne pas m'en vouloir si le hasard avait choisi pour
elle un confident involontaire, mais de me continuer une confiance que
je jurai de ne point trahir; ah! que ne me parlait-elle a present comme
a un ami veritable et comme si je ne savais rien d'elle qu'elle-meme ne
m'eut appris?
Les larmes que je repandais en parlant firent peut-etre plus pour la
convaincre que mes paroles.
--Helas! repris-je, je sais quelle mort miserable enlevait, ce meme soir
votre amant ... Mais comment avez-vous appris votre deuil? Cette nuit que
vous l'attendiez, prete a fuir avec lui, que pensiez-vous? que
fites-vous en ne le voyant pas apparaitre?
--Puisque vous savez tout, dit-elle d'une voix desolee vous savez bien
que je n'avais plus a l'attendre, apres que j'avais averti Gratien.
J'eus de l'affreuse verite une intuition si subite que ces mots
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