a present, de la pointe de ce canif, sur le panneau
voisin je tachais de sculpter son nom; sans conviction, mais parce que
je savais que les amants transis ont accoutume d'ainsi faire; a tout
instant le bois pourri cedait; un trou venait en place de la lettre;
bientot, sans plus d'application, par desoeuvrement, imbecile besoin de
detruire, je commencai de taillader au hasard. Le lambris que j'abimais
se trouvait immediatement sous la fenetre; le cadre en etait disjoint a
la partie superieure, de sorte que le panneau tout entier pouvait
glisser de bas en haut dans les rainures laterales; c'est ce que je
remarquai lorsque l'effort de mon couteau inopinement le souleva.
Quelques instants apres j'achevais d'emietter le lambris. Avec le debris
de bois, une enveloppe tomba sur le plancher; tachee, moisie, elle avait
pris le ton de la muraille, au point que tout d'abord elle n'etonna
point mon regard; non, je ne m'etonnai pas de la voir; il ne me
paraissait pas surprenant qu'elle fut la et telle etait mon apathie que
je ne cherchai pas aussitot a l'ouvrir. Laide, grise, souillee, on eut
dit un platras, vous dis-je. C'est par desoeuvrement que je la pris;
c'est machinalement que je la pris; c'est machinalement que je la
dechirai. J'en sortis deux feuillets couverts d'une grande ecriture
desordonnee, palie, presque effacee par endroits. Que venait faire la
cette lettre? Je regardai la signature et j'eus un eblouissement: le nom
d'Isabelle etait au bas de ces feuillets!
Elle occupait a ce point mon esprit ... j'eus un instant l'illusion
qu'elle m'ecrivait a moi-meme:
_Mon amour, voici ma derniere lettre ..._ disait-elle. _Vite ces quelques
mots encore, car je sais que ce soir je ne pourrai plus rien te dire;
mes levres, pres de toi, ne sauront plus trouver que des baisers. Vite,
pendant que je puis parler encore; ecoute: Onze heures c'est trop tot;
mieux vaut minuit. Tu sais que je meurs d'impatience et que l'attente
m'extenue, mais pour que je m'eveille a toi il faut que toute la maison
dorme. Oui, minuit; pas avant. Viens a ma rencontre jusqu'a la porte de
la cuisine, (en suivant le mur du potager qui est dans l'ombre et
ensuite il y a des buissons) attends-moi la et non pas devant la grille,
non que j'aie peur de traverser seule le jardin, mais parce que le sac
ou j'emporte un peu de vetements sera tres lourd et que je n'aurai pas
la force de le porter longtemps.
En effet il vaut mieux que la voiture reste en bas de la
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