pourra pas mettre les pieds dans une eglise
avant d'avoir expie publiquement sa faute ou son crime.
IV.
La famille est la base de la societe dans cette republique patriarcale
du Montenegro. Chaque famille choisit un chef auquel elle obeit
aveuglement. Les membres d'une meme famille ne se separent presque
jamais, aussi les familles deviennent-elles quelquefois assez nombreuses
pour peupler un village assez vaste d'individus sortis du meme sang,
portant le meme nom, et ne se distinguant entre eux que par le prenom.
Cet esprit de famille, qui a de grands avantages, offre cependant aussi
des inconvenients reels. S'il etablit une solidarite puissante entre les
membres de la famille en particulier, il cree egalement, entre les
familles en general, une foule de ces haines vivaces et implacables que
les generations transmettent aux generations.
Il y a sans doute au Montenegro, comme partout ailleurs, des pauvres et
des riches, mais cette difference entre les fortunes ne detruit pas le
sentiment d'egalite profondement enracine au coeur des Montenegrins. Les
mendiants sont inconnus dans ce pays. Le pauvre emprunte au riche, et
finit toujours par s'acquitter.
V.
La guerre est l'occupation favorite du Montenegrin, la guerre contre le
Turc surtout. C'est la la guerre sainte, la croisade qui lui vaudra le
pardon de ses peches et les jouissances du paradis. On voit les
vieillards suivre leurs fils marchant contre les infideles, et se
faisant porter pour tirer un dernier coup de fusil en l'honneur du
Christ. Les infirmes eux-memes se levent au bruit de la bataille, et les
enfants courent au combat, sinon pour frapper, du moins pour charger les
armes des combattants.
_Tes aieux sont morts dans leur lit_, est la plus grossiere injure qu'on
puisse adresser a un guerrier montenegrin; c'est _le noir meurtrier_ qui
l'a frappe, disent-ils, en parlant d'un homme qui a succombe a une mort
naturelle; ils s'eloignent en se signant devotement, et en priant Dieu
qu'il les fasse mourir sur le champ de bataille.
Nulle part la femme n'est plus respectee qu'au Montenegro, non pas que
ce respect aille jusqu'a l'exempter du travail manuel, ce qui est
impossible chez un peuple presque exclusivement guerrier; mais personne
ne se permettrait d'attenter a l'honneur d'une femme. L'idee de
seduction par la ruse ou par la violence, est completement inconnue des
Montenegrins, ils ne sauraient comprendre l'amour en dehors du maria
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