rte comme un feu vivant. Il ne veut plus entendre
parler de fiancailles et congedie les convives.
Plusieurs annees s'ecoulerent; tout a coup arrive un navire avec un
message du doge. La lettre tomba sur les genoux d'Ivo, elle disait:
"Lorsque tu enclos de haies une prairie, tu la fauches, ou tu
l'abandonnes a un autre, afin que les neiges d'hiver n'en gatent pas
l'herbe fleurie. Quand on demande en mariage une belle et qu'on
l'obtient, il faut venir la chercher, ou lui ecrire qu'elle est libre de
prendre un autre engagement."
Jaloux de tenir sa parole, Ivo se decide enfin a aller a Venise; il
reunit tous ses freres d'armes, et toute la jeunesse. Il veille a ce que
les jeunes hommes viennent chacun avec le costume particulier de sa
tribu, et que tous soient pares le plus somptueusement possible. Il
veut, dit-il, que les Latins tombent en extase quand ils verront la
magnificence des Serbes. "Ils possedent bien des choses, ces nobles
Latins! ils savent travailler avec art les metaux, tisser des etoffes
precieuses; mais ce qu'il y a de plus digne d'envie leur manque, ils
n'ont point le front haut, le regard souverain des Tsernogorstes."
Voyant les six cents convives rassembles, Ivo leur raconte l'imprudente
promesse qu'il avait faite au doge, et la punition celeste qui l'avait
frappe dans la personne de son fils, et il ajouta:
"Voulez-vous, freres, que pendant le voyage nous mettions quelqu'un de
vous a la place de Stanicha, et que nous lui laissions en retour la
moitie des presents qui lui seront offerts comme au vrai fiance?"
Tous les convives applaudirent a cette ruse, et le jeune vaivode de
Dulcigno, Okenovo Djouro, ayant ete reconnu le plus beau de l'assemblee,
fut prie d'accepter le travestissement. Djouro s'y refusa longtemps, il
fallut pour le faire consentir le combler des plus riches dons.
Alors les convives couronnes de fleurs s'embarquerent; ils furent a leur
depart salues par toute l'artillerie de la montagne Noire, et par les
deux enormes canons appeles _Kernio_ et _Selenko_, qui n'ont point leurs
pareils dans les sept royaumes francs ni chez les Turcs.
Le seul bruit de ces pieces fait flechir le genou aux coursiers, et
renverse sur la poussiere plus d'un heros.
Arrives a Venise, les Tsernogorstes descendent au palais ducal. La noce
dure toute une semaine, au bout de laquelle Ivo s'ecrie: "Ami doge, nos
montagnes nous rappellent."
Le doge se levant alors, demande aux convies ou est le fianc
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