es arcades, arrete a la
vitre de quelque magasin de bric-a-brac et epiant du coin de l'oeil.
Paraissait-elle, il quittait son poste et hatait assez le pas pour la
croiser devant la grille de la place.
--C'est une persecution! se disait Mlle Gilberte.
Comment donc n'en parla-t-elle pas a sa mere? Pourquoi donc ne lui
confia-t-elle rien le jour ou, s'etant mise par hasard a la fenetre,
elle vit le "persecuteur" passant devant la maison, le nez en l'air?
--Est-ce que je deviens folle! se disait-elle, serieusement irritee
contre elle-meme. Je ne veux plus penser a lui.
Elle y pensait pourtant, quand une apres-midi que sa mere et elle
travaillaient, assises sur le banc qu'elles avaient choisi, elle vit
son inconnu venir s'installer non loin d'elles.
Il etait accompagne d'un homme age, a tournure militaire, portant de
longues moustaches blanches et ayant a la boutonniere la rosette de la
Legion d'honneur.
--Ah! ceci est une insolence! pensa la jeune fille, tout en cherchant
un pretexte pour demander a sa mere de changer de place.
Mais deja le jeune homme et le vieillard avaient installe leurs
chaises et s'etaient assis de facon a ce que Mlle Gilberte ne perdit
pas un mot de ce qu'ils allaient dire.
Ce fut le jeune homme qui, le premier, prit la parole.
--Vous me connaissez aussi bien que je me connais moi-meme, mon cher
comte, commenca-t-il: vous qui avez ete le meilleur ami de mon pauvre
pere, vous qui me faisiez sauter sur vos genoux, quand j'etais enfant,
et qui ne m'avez jamais perdu de vue...
--C'est-a-dire que je reponds de toi corps pour corps, mon garcon,
interrompit le vieux. Mais, continue...
--J'ai vingt-six ans. Je me nomme Yves-Marius Genost de Tregars. Ma
famille, qui est une des plus vieilles de Bretagne, est l'alliee de
toutes les grandes familles.
--Parfaitement exact! declara le bonhomme.
--Malheureusement ma fortune n'est pas a la hauteur de ma noblesse.
Lorsque ma mere mourut en 1856, mon pere, qui l'adorait, en concut un
tel chagrin, que le sejour de notre chateau de Tregars, ou il avait
passe toute sa vie, lui parut insupportable.
Il vint a Paris, ce qui n'offrait nul inconvenient, puisqu'alors nous
etions riches, et il se lia avec des gens qui ne tarderent pas a
lui inoculer la fievre du moment. On lui prouva qu'il etait fou de
conserver des terres qui lui rapportaient a grand'peine quarante mille
francs par an, et dont il trouverait aisement plus de deux millions,
lesq
|