is ombres de chevaux qui passent sur la route.
--Bien, dit Eviradnus. Ce sont eux. Page, ecoute.
Tu vas partir d'ici. Prends un autre chemin.
Va-t'en sans etre vu. Tu reviendras demain
Avec nos deux chevaux, frais, en bon equipage,
Au point du jour. C'est dit. Laisse-moi seul.--Le page,
Regardant son bon maitre avec des yeux de fils,
Dit:--Si je demeurais? Ils sont deux.--Je suffis.
Va.
X
EVIRADNUS IMMOBILE
Le heros est seul sous ces grands murs severes.
Il s'approche un moment de la table ou les verres
Et les hanaps, dores et peints, petits et grands,
Sont etages, divers pour les vins differents;
Il a soif; les flacons tentent sa levre avide;
Mais la goutte qui reste au fond d'un verre vide
Trahirait que quelqu'un dans la salle est vivant;
Il va droit aux chevaux. Il s'arrete devant
Celui qui le plus pres de la table etincelle,
Il prend le cavalier et l'arrache a la selle;
La panoplie en vain lui jette un pale eclair,
Il saisit corps a corps le fantome de fer,
Et l'emporte au plus noir de la salle; et, pliee
Dans la cendre et la nuit, l'armure humiliee
Reste adossee au mur comme un heros vaincu;
Eviradnus lui prend sa lance et son ecu,
Monte en selle a sa place, et le voila statue.
Pareil aux autres, froid, la visiere abattue,
On n'entend pas un souffle a sa levre echapper,
Et le tombeau pourrait lui-meme s'y tromper.
Tout est silencieux dans la salle terrible.
XI
UN PEU DE MUSIQUE
Ecoutez!--Comme un nid qui murmure invisible,
Un bruit confus s'approche, et des rires, des voix,
Des pas, sortent du fond vertigineux des bois.
Et voici qu'a travers la grande foret brune
Qu'emplit la reverie immense de la lune,
On entend frissonner et vibrer mollement,
Communiquant au bois son doux fremissement,
La guitare des monts d'Inspruck, reconnaissable
Au grelot de son manche ou sonne un grain de sable;
Il s'y mele la voix d'un homme, et ce frisson
Prend un sens et devient une vague chanson.
'Si tu veux, faisons un reve.
Montons sur deux palefrois;
Tu m'emmenes, je t'enleve.
L'oiseau chante dans les bois.
'Je suis ton maitre et ta proie;
Partons, c'est la fin du jour;
Mon cheval sera la joie,
Ton cheval sera l'amour.
'Nous ferons toucher leurs tetes;
Les voyages sont aises;
Nous donnerons a ces betes
Une avoine de baisers.
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