ifs que la houle profonde
Emporta, se tordant confusement dans l'onde;
Mourad les fit noyer toutes; ce fut sa loi.
* * * * *
D'Aden et d'Erzeroum il fit de larges fosses,
Un charnier de Modon vaincue, et trois amas
De cadavres d'Alep, de Brousse et de Damas;
Un jour, tirant de l'arc, il prit son fils pour cible,
Et le tua; Mourad sultan fut invincible;
Vlad, boyard de Tarvis, appele Belzebuth,
Refuse de payer au sultan son tribut,
Prend l'ambassade turque et la fait perir toute
Sur trente pals, plantes aux deux bords d'une route;
Mourad accourt, brulant moissons, granges, greniers,
Bat le boyard, lui fait vingt mille prisonniers,
Puis, autour de l'immense et noir champ de bataille,
Batit un large mur tout en pierre de taille,
Et fait dans les creneaux, pleins d'affreux cris plaintifs,
Maconner et murer les vingt mille captifs,
Laissant des trous par ou l'on voit leurs yeux dans l'ombre,
Et part, apres avoir ecrit sur leur mur sombre:
'Mourad, tailleur de pierre, a Vlad, planteur de pieux.'
Mourad etait croyant, Mourad etait pieux;
Il brula cent couvents de chretiens en Eubee,
Ou par hasard sa foudre etait un jour tombee;
Mourad fut quarante ans l'eclatant meurtrier
Sabrant le monde, ayant Dieu sous son etrier;
Il eut le Rhamseion et le Generalife;
Il fut le padischah, l'empereur, le calife,
Et les pretres disaient; 'Allah! Mourad est grand.'
II
Legislateur horrible et pire conquerant,
N'ayant autour de lui que des troupeaux infames,
De la foule, de l'homme en poussiere, des ames
D'ou des langues sortaient pour lui lecher les pieds,
Loue pour ses forfaits toujours inexpies,
Flatte par ses vaincus et baise par ses proies,
Il vivait dans l'encens, dans l'orgueil, dans les joies
Avec l'immense ennui du mechant adore.
Il etait le faucheur, la terre etait le pre.
III
Un jour, comme il passait a pied dans une rue
A Bagdad, tete auguste au vil peuple apparue,
A l'heure ou les maisons, les arbres et les bles
Jettent sur les chemins de soleil accables
Leur frange d'ombre au bord d'un tapis de lumiere,
Il vit, a quelques pas du seuil d'une chaumiere,
Gisant a terre, un porc fetide qu'un boucher
Venait de saigner vif avant de l'ecorcher;
Cette bete ralait devant cette masure;
Son cou s'ouvrait, beant d'une affreuse blessure;
Le soleil de midi brulait l'agonisant;
Dans la
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