babil sans force et sans lien;
Joss par moments fredonne un chant tyrolien,
Et fait rire ou pleurer la guitare; les contes
Se melent aux gaites fraiches, vives et promptes.
Mahaud dit:--Savez-vous que vous etes heureux?
--Nous sommes bien portants, jeunes, fous, amoureux,
C'est vrai.--De plus, tu sais le latin comme un pretre,
Et Joss chante fort bien.--Oui, nous avons un maitre
Qui nous donne cela par-dessus le marche.
--Quel est son nom?--Pour nous Satan, pour vous Peche,
Dit Zeno, caressant jusqu'en sa raillerie.
--Ne riez pas ainsi, je ne veux pas qu'on rie.
Paix, Zeno! Parle-moi, toi, Joss, mon chambellan.
--Madame, Viridis, comtesse de Milan,
Fut superbe; Diane eblouissait le patre;
Aspasie, Isabeau de Saxe, Cleopatre,
Sont des noms devant qui la louange se tait;
Rhodope fut divine; Erylesis etait
Si belle, que Venus, jalouse de sa gorge,
La traina toute nue en la celeste forge
Et la fit sur l'enclume ecraser par Vulcain;
Eh bien! autant l'etoile eclipse le sequin,
Autant le temple eclipse un monceau de decombres,
Autant vous effacez toutes ces belles ombres!
Ces coquettes qui font des mines dans l'azur,
Les elfes, les peris, ont le front jeune et pur
Moins que vous, et pourtant le vent et ses bouffees
Les ont galamment d'ombre et de rayons coiffees.
--Flatteur, tu chantes bien, dit Mahaud. Joss reprend:
--Si j'etais, sous le ciel splendide et transparent,
Ange, fille ou demon, s'il fallait que j'apprisse
La grace, la gaite, le rire et le caprice,
Altesse, je viendrais a l'ecole chez vous.
Vous etes une fee aux yeux divins et doux,
Ayant pour un vil sceptre echange sa baguette--
Mahaud songe:--On dirait que ton regard me guette,
Tais-toi. Voyons, de vous tout ce que je connais,
C'est que Joss est Boheme et Zeno Polonais,
Mais vous etes charmants; et pauvres, oui, vous l'etes;
Moi, je suis riche; eh bien! demandez-moi, poetes,
Tout ce que vous voudrez.--Tout! Je vous prends au mot,
Repond Joss. Un baiser.--Un baiser! dit Mahaud
Surprise en ce chanteur d'une telle pensee,
Savez-vous qui je suis?--Et fiere et courroucee,
Elle rougit. Mais Joss n'est pas intimide.
--Si je ne la savais, aurais-je demande
Une faveur qu'il faut qu'on obtienne, ou qu'on prenne!
Il n'est don que de roi ni baiser que de reine.
--Reine! et Mahaud sourit.
XIV
APRES SOUPER
Cependant, par degres,
L
|