tion qui, seul en tete a tete avec un enfant,
l'interroge: cet enfant a ete le temoin d'un fait grave, dont la
constatation sans erreur presente une grande importance pour la justice;
le juge interroge l'enfant avec douceur, avec patience, sachant combien la
moindre suggestion peut avoir d'influence sur l'esprit docile d'un enfant,
il pese ses moindres paroles avant de les prononcer, et il pousse meme la
prudence jusqu'a cacher a l'enfant sa conviction personnelle, afin de ne
pas dicter, malgre lui, la reponse qui lui parait veridique; mais, malgre
cette prudence, il est oblige d'insister, et de revenir plusieurs fois a la
charge, pour obtenir de l'enfant les reponses qui ne viennent pas de suite;
il ne peut se contenter du silence de son petit temoin; il veut le faire
parler, soit dans un sens, soit dans un autre; il est impartial, je le
repete, mais tres impartialement il pose des alternatives a l'enfant:
"Avez-vous vu ceci ou cela, lui demandera-t-il, precisez, les choses se
sont-elles passees de cette maniere-ci, ou de cette maniere-la?" Je crois
bien ne pas m'avancer beaucoup en admettant que l'interrogatoire des
enfants qu'on est oblige de citer en justice comme temoins se produit
le plus souvent d'apres ce procede[51]. Un juge d'instruction ne peut
considerer ce procede comme incorrect, puisqu'il a la conscience de n'avoir
rien suggestionne de precis a l'enfant, et qu'il a laisse celui-ci libre de
choisir entre les differentes alternatives qu'on lui presente. Mais si ce
n'est pas de la suggestion qu'on a fait sur cet enfant, on a exerce sur lui
une influence qui n'en est pas moins dangereuse, comme je vais le montrer
dans un instant, car on a _force_ sa memoire; en mettant l'enfant en
demeure de preciser des souvenirs qui sont vagues et incertains, on
l'oblige a commettre, sans qu'il le sache--et par consequent avec une
entiere bonne foi--des erreurs de memoire qui ont une grande gravite.
[Note 51: Il ne doit pas etre rare non plus qu'un juge d'instruction
Suggestionne directement l'enfant qu'il interroge. Bernheim a ecrit
quelques pages instructives sur cette suggestion judiciaire des enfants: il
a montre comment on peut, de la meilleure foi du monde, faire entrer peu
a peu dans l'esprit d'un enfant l'image hallucinatoire d'un crime dont le
juge admet la realite, et auquel il s'imagine que l'enfant a assiste. De
_la suggestion_, Paris, Doin, 1886, p. 186 et seq.]
Ces reflexions me sont inspirees par les resulta
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