oit quinze cents tumans[10].
Si je parais devant lui sur ce cheval et dans ce costume, il
m'echappera. Je suis venu pour une raison importante; faisons vite notre
echange. Si je reviens, je te rendrai tes habits et reprendrai les
miens; si je ne reviens pas, tu pourras conduire ce cheval au bazar
et le vendre. Son prix est de deux mille tumans; profites-en, et ne
m'oublie pas dans tes prieres. Tu garderas aussi les autres choses qui
m'appartiennent." Le berger dit: "A coup sur cet homme est fou; je
ne puis expliquer autrement tout ce que j'entends. Allons, Beg,
deshabille-toi." Kourroglou detacha sa ceinture et ota tous ses habits.
Le berger en lit autant de son cote, et mit les vetements de Kourroglou,
auquel il donna son manteau de feutre grossier. Kourroglou le jeta sur
ses epaules, et ayant mis aussi le bonnet de feutre du berger, il lui
dit: "Maintenant donne-moi ta massue;" car il voyait qu'en cas de besoin
elle pourrait lui etre aussi utile qu'un sabre. La prenant a sa main, il
dit: "Berger! ton ame et l'ame de mon cheval.[11]"
[Footnote 8: _Le fantome du desert_, "Guli-Beiaban," le vampire bien
connu des contes orientaux.]
[Footnote 9: _Racheter mon sang_. Allusion au "jus tallionis" du Coran.
Le meurtrier doit payer les parents de la victime avec sa vie ou avec de
l'argent.]
[Footnote 10: Le tuman est une monnaie perse qui vaut environ douze
francs.]
[Footnote 11: Phrase proverbiale tres usitee chez les Persans, elle
signifie: Prends soin de mon cheval comme tu voudrais qu'ont prit soin
de toi-meme.]
Le berger repondit: "Je jure par la foi de Dieu! Que ton coeur soit en
paix; tu peux te fier a moi." Et il disait en lui-meme: "Dieu veuille
que cet homme ne revienne jamais; alors adieu la pauvrete; le cheval et
les vetements me suffiront aussi longtemps que je vivrai."
Kourroglou prit conge du berger, et continua son voyage a pied; le
manteau du berger etait sur ses epaules, la massue dans sa main, Il
apercut bientot la ville d'Orfah, et marcha jusqu'aux portes. Ayant
prononce le mot Bismillah (au nom de Dieu), il entra, et il passait dans
une rue, quand il vit un Turc portant un okha de viande. Il la regardait
avec amour, priant et soupirant en meme temps. Kourroglou lui demanda en
langue turque: "Quelle viande portes-tu la, que tu la convoites ainsi,
et sembles soupirer apres?" Le Turc repondit: "Es-tu donc etranger,
seigneur, ou viens-tu de quelque contree eloignee?" Kourroglou dit:
"Oui, je vien
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