rgueil doit le
perdre, l'orgueil le rend criminel; cet orgueil sera chatie. Ses grandes
facultes, je ne sais pas s'il ne faut pas dire pour entrer dans l'esprit
de la race qui le chante, _ses grandes vertus_, l'ambition, la cupidite,
la ruse, la volupte, l'intemperance, la soif du sang, tout ce qui l'a
fait grand et heureux parmi les heros de sa race, va l'abandonner peu a
peu, parce qu'il a abuse de ces dons du ciel. Je parle comme un rapsode
turcoman, faites-moi le plaisir de m'ecouter en bons Turcomans; oui,
c'etaient la des dons du ciel! Il etait le plus grand des fourbes. Honte
a lui! il va devenir confiant et sincere, parce qu'une fois il a fait un
mauvais usage de sa ruse et de sa prudence. Il dressait des embuches, et
l'ennemi ne manquait jamais d'y tomber: gloire a lui! mais une fois il a
tendu le piege a celui qu'il devait respecter, et desormais il sera pris
dans ses propres filets: malheur a lui! Il etait bandit et meurtrier,
rien de mieux! Une fois il est devenu assassin: desormais le poignard
sera toujours leve sur lui. Malheur au fils de l'aveugle!
Voila, je crois, le raisonnement qu'il faut mettre dans la bouche du
rapsode, pour comprendre la septieme rencontre et la suite des jours de
Kourroglou. Appelons maintenant l'exemple a notre aide.
Kourroglou avait, comme on sait, l'innocente habitude de detrousser les
marchands qui poussaient la folie ou l'insolence jusqu'a lui refuser un
modeste tribut de cinq cents tumans en passant sur ses terres. Mais il
n'avait pas souvent cet embarras, parce que les riches voyageurs, ayant
appris a le connaitre, allaient desormais au-devant de ses desirs, et ne
se faisaient plus tirer l'oreille pour s'executer. Kourroglou etait si
sur de son fait, qu'il s'en allait tout seul, deguise, le plus souvent
en aushik (chanteur improvisateur), au beau milieu de la caravane; et
quand il s'etait un peu diverti aux depens de ses hotes, quand il leur
avait bien fait peur de l'ogre Kourroglou; quand il leur avait dit:
"Seigneurs, prenez garde! Kourroglou est toujours la ou on l'attend
le moins; peut-etre est-il deja parmi vous; mais, pour sur, il y sera
bientot." Alors le sycophante, en les voyant palir, renfoncait sa
guitare, levait sa massue, et criait de sa voix de stentor: "Voila
Kourroglou!" Aussitot les marchands de se prosterner, de se frapper
la poitrine, de s'arracher la barbe et de crier merci! "Guerrier,
disaient-ils, nous savons que tu as porte le tribut a cinq cents tum
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