sser de lui par une plaisanterie; car il ne s'etait pas leve pour
lui temoigner son respect quand le nom de Kourroglou etait sorti de
ses levres. Il se recula, et visant avec sa lance le Turc qui restait
toujours assis, il fit cabrer son cheval. Le Turc lui dit alors
froidement: "Retiens ton bras, Kourroglou." La pointe de la lance avait
deja effleure la poitrine du Turc; mais Kourroglou retint son cheval
et s'arreta. Le Turc dit: "Tu devrais jeter un voile de femme sur ton
visage. Il ne convient pas a des hommes d'agir ainsi. J'ai entendu
raconter beaucoup de choses de toi; mais je t'ai vu maintenant, et tu ne
merites pas ta renommee. Un homme brave donne a son ennemi le temps de
se mettre en garde. C'est le role d'une femme de combattre sans avertir
et de tuer par surprise. Laisse-moi au moins le temps de finir ma partie
de trictrac, de prendre ensuite mes armes et de monter sur mon cheval.
Nous nous battrons alors en duel. Si je te tue et si je delivre le
_collier du monde de tes etreintes rapaces_, des prieres seront dites
pour ton ame. Si, au contraire, tu reussis a me tuer, tu prendras toutes
les richesses et les marchandises rassemblees en ce lieu."
Kourroglou ecouta patiemment et reconnut la justice de ces paroles. Il
attendit donc qu'il plut au marchand de s'armer et de monter a cheval.
Quand cela fut fait, le Turc dit: "Kourroglou, tu dois commencer; tu
es libre de m'attaquer de telle maniere et avec telle arme qu'il te
plaira."
Kourroglou avait dix-sept armes sur lui, et il fit autant d'attaques
differentes; mais elles furent toutes parees ou repoussees.
Le Turc s'ecria: "Viens plus pres, prends-moi par la ceinture, et vois
si tu peux me faire descendre de cheval. J'aimerais a eprouver ta
force." Kourroglou saisit le marchand a la ceinture et tacha de le
desarconner; mais le Turc se tint ferme sur la selle, comme s'il y eut
ete cousu.
Le Turc dit: "C'est maintenant a mon tour; laisse-moi te faire eprouver
ma force." Il saisit la ceinture de Kourroglou, et le secoua d'une telle
facon, que ce dernier fut sur le point de tomber; et meme un de ses
pieds avait deja perdu l'etrier.
Le Turc, comme s'il dedaignait de profiter de sa victoire, lacha la
ceinture de Kourroglou, quitta son armure, et, descendant de cheval, il
invita Kourroglou a entrer sous sa tente et a devenir son hote.
Kourroglou descendit avec soumission de dessus Kyrat, se glissa dans
la tente comme un rat, et prit humblement un siege. Il
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