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par la souffrance, _se roulait par terre_. Ne faut-il pas s'etonner ici
de voir ce heros, dont la force fabuleuse detruisait des legions et
se frayait un passage au milieu des armees, pousser la douceur et la
soumission envers le beau sexe jusqu'a se laisser mettre en lambeaux, ni
plus ni moins que n'eut fait Don Quichotte, le modele de la chevalerie?
Cet ensemble de force et de tendresse caracterise Kourroglou d'un bout a
l'autre du poeme. Enfin, n'en pouvant plus supporter davantage, mais
ne voulant pas lever la main sur des femmes, il se jette dans la piece
d'eau, la traverse a la nage, en elevant sa guitare au-dessus de sa
tete, et gagnant le milieu, ou l'eau jaillissait d'un pilier de marbre,
il s'assit en cet endroit.
Les femmes commencerent a lui jeter des pierres, "O Belli-Ahmed! tu m'as
trompe, pensait Kourroglou. Elle ne m'a jamais aime."
Alors il se mit a chanter, et la, vraiment, il lui dit de si belles
choses, que son sein commence a palpiter, et qu'elle l'ecoute "avec un
plaisir toujours croissant.
"Le soleil est leve sur la colline de l'Orient. Elle est le jardin des
fleurs. Les roses ouvrent leurs boutons sur ses joues. Que nul ennemi
n'ose regarder dans le jardin de l'amant!... O Nighara! celui qui
touchera ta ceinture une fois seulement deviendra immortel."
CINQUIEME RENCONTRE.
Le soir approchait. La fraicheur de l'eau calmait les souffrances
de Kourroglou. La princesse se dit: "Il repete sans cesse le nom de
Kourroglou. Ah! si c'etait lui-meme! Parle, avoue la verite, lui
dit-elle, es-tu Kourroglou?" Et comme il l'assurait, elle reprit:
"Kourroglou est, dit-on, de la meme taille que mon pere le sultan. Je
vais te faire essayer sa robe royale. Si elle est trop longue pour toi,
je ferai enfoncer des clous dans tes talons afin que tu deviennes plus
grand. Si elle est trop courte, je te ferai couper les pieds. Si elle
est trop large, je te ferai ouvrir le ventre, et on le remplira de
paille pour te grossir."
Kourroglou dit: "Tu me punis selon le code d'Abou-Horeyra. N'importe,
j'essaierai la robe."
Il sortit de l'eau, et Nighara, de ses propres mains, lui passa la robe.
Elle semblait avoir ete faite pour lui. Alors ils jeterent leur main
autour du cou l'un de l'autre, et entrerent dans le pavillon, ou,
suivant la coutume turque, ils burent dans la meme coupe. Alors la
princesse dit: "As-tu amene ici ton fameux cheval Kyrat?--Oui, je l'ai
amene.--Il faut donc que tu trouves pour moi
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