ehter fut tire de son sommeil par ce
bruit. Il se releva, et salua son maitre: "Quel est cet homme que tu as
engage a mon service?--Puisse-je devenir ta victime! Des milliers
de gens vivent de ton pain. Cette tete chauve est tres-habile et
tres-adroite, et peut, aussi bien que tant d'autres, profiter de tes
largesses.--Je ne refuse mon pain a personne; qu'il en mange autant
qu'il voudra; mais, a juger de ses jambes et de toute son allure, je
n'attends rien de bon de lui; il a l'air d'un voleur de chevaux.--Oh!
non, seigneur; s'il etait de fer, on ne pourrait faire plus de cinq
aiguilles de ce pauvre diable!"
Hamza comprit alors que c'etait la Kourroglou, il jeta son marteau a
terre, et, dans sa terreur, il courut se cacher sous le bat d'une mule.
Kourroglou, avant de quitter l'ecurie, dit a Daly-Mehter: "Attache
toujours un oeil vigilant sur mon cheval; ne donne ta confiance a
personne." Il ne poussa pas plus loin cette enquete.
Plus Hamza restait attache a l'ecurie, plus il reconnaissait
l'impossibilite de voler Kyrat. Il dit donc dans son coeur: "Si ce n'est
Kyrat, ce sera au moins Durrat. Le premier est pere du second, et sa
mere etait une jument arabe. Hassan-Pacha ne les a jamais vus ni l'un ni
l'autre: il me croira, il me donnera sa fille; et s'il arrive jamais
a connaitre la verite, il ne me l'otera pas, apres que je l'aurai
epousee."
Pendant la nuit il appreta la selle de Durrat et tous les harnais qui
en dependaient. Daly-Mehter etait ivre quand il revint du palais de
Kourroglou, et voyant que Hamza pleurait amerement, le visage appuye
sur ses mains, comme s'il etait devenu veuf, il demanda: "Qu'as-tu,
Hamza?--Seigneur, comment puis-je m'empecher de pleurer? Chaque nuit
tu vas avec Kourroglou boire du vin rouge, et tu ne t'es jamais dit:
Apportons en quelques gouttes au pauvre orphelin. Helas! qu'est-ce que
cela, du vin? je n'en ai jamais vu. Est-ce doux ou acide?"
Daly-Mehter se leva, prit le bidon de l'ecurie, et s'en fut au cellier
de Kourroglou. Ayant rempli le bidon, il le rapporta, le mit devant
Hamza et lui dit: "Bois, tete chauve." Hamza remplit un vase jusqu'au
bord, et le tendit a Daly-Mehter. "Seigneur, essaie le premier; que je
voie comment tu bois." Daly-Mehter vida le vase jusqu'a la derniere
goutte, et dit: "Voici la maniere de boire." Hamza remplit le vase a
son tour, et l'ayant approche de ses levres, il donna une secousse si
adroite, qu'il repandit tout le breuvage par-dessus son epaul
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