llante et paree se repeter dans la
glace encadree d'or placee vis-a-vis de moi. Le costume des femmes, dont
on s'est tant moque depuis, etait alors d'une richesse et d'un eclat
extraordinaires; porte avec gout et chatie dans ses exagerations,
il pretait a la beaute une noblesse et une grace moelleuse dont les
peintures ne sauraient vous donner l'idee. Avec tout cet attirail de
plumes, d'etoffes et de fleurs, une femme etait forcee de mettre une
sorte de lenteur a tous ses mouvements. J'en ai vu de fort blanches
qui, lorsqu'elles etaient poudrees et habillees de blanc, trainant leur
longue queue de moire et balancant avec souplesse les plumes de leur
front, pouvaient, sans hyperbole, etre comparees a des cygnes. C'etait,
en effet, quoi qu'en ait dit Rousseau, bien plus a des oiseaux qu'a
des guepes que nous ressemblions avec ces enormes plis de satin, cette
profusion de mousselines et de bouffantes qui cachaient un petit corps
tout frele, comme le duvet cache la tourterelle; avec ces longs
ailerons de dentelle qui tombaient du bras, avec ces vives couleurs
qui bigarraient nos jupes, nos rubans et nos pierreries; et quand nous
tenions nos petits pieds en equilibre dans de jolies mules a talons,
c'est alors vraiment que nous semblions craindre de toucher la terre, et
que nous marchions avec la precaution dedaigneuse d'une bergeronnette au
bord d'un ruisseau.
A l'epoque dont je vous parle, on commencait a porter de la poudre
blonde, qui donnait aux cheveux une teinte douce et cendree. Cette
maniere d'attenuer la crudite des tons de la chevelure donnait au visage
beaucoup de douceur et aux yeux un eclat extraordinaire. Le front,
entierement decouvert, se perdait dans les pales nuances de ces cheveux
de convention; il en paraissait plus large, plus pur, et toutes les
femmes avaient l'air noble. Aux crepes, qui n'ont jamais ete gracieux,
a mon sens, avaient succede les coiffures basses, les grosses boucles
rejetees en arriere et tombant sur le cou et sur les epaules. Cette
coiffure m'allait fort bien, et j'etais renommee pour la richesse et
l'invention de mes parures. Je sortais tantot avec une robe de velours
nacarat garnie de grebe, tantot avec une tunique de satin blanc, bordee
de peau de tigre, quelquefois avec un habit complet de damas lilas lame
d'argent, et des plumes blanches montees en perles. C'est ainsi que
j'allais faire quelques visites en attendant l'heure de la seconde
piece; car Lelio ne jouait jamais dans la
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