able allure de Lelio;
je m'appretai a rougir de ma folie, a tomber du faite de mes chimeres
dans une plate et ignoble realite. Je ne pouvais plus comprendre comment
je m'etais decidee a troquer cette heroique et romanesque tendresse
contre le degout qui m'attendait et la honte qui empoisonnerait tous
mes souvenirs. J'eus alors un mortel regret de ce que j'avais fait; je
pleurai mes enchantements, ma vie d'amour, et l'avenir de satisfaction
pure et intime que j'allais renverser. Je pleurai surtout Lelio, qu'en
le voyant j'allais perdre a jamais, que j'avais eu tant de bonheur a
aimer pendant cinq ans, et que je ne pourrais plus aimer dans quelques
heures.
Dans mon chagrin je me tordis les bras avec force; ma saignee se
rouvrit, le sang coula avec abondance; je n'eus que le temps de sonner
ma femme de chambre qui me trouva evanouie dans mon lit. Un profond et
lourd sommeil, contre lequel je luttai vainement, s'empara de moi. Je ne
revai point, je ne souffris point, je fus comme morte pendant quelques
heures. Quand j'ouvris les yeux ma chambre etait sombre, mon hotel
silencieux; ma suivante dormait sur une chaise au pied de mon lit. Je
restai quelque temps dans un etat d'engourdissement et de faiblesse qui
ne me permettait pas un souvenir, pas une pensee. Tout d'un coup la
memoire me revient; je me demande si l'heure et le jour du rendez-vous
sont passes, si j'ai dormi une heure ou un siecle, s'il fait jour ou
nuit, si mon manque de parole n'a pas tue Lelio, s'il est temps encore.
J'essaie de me lever, mes forces s'y refusent; je lutte quelques
instants comme dans le cauchemar. Enfin je rassemble toute ma volonte,
je l'appelle au secours de mes membres accables. Je m'elance sur le
parquet; j'entr'ouvre mes rideaux; je vois briller la lune sur les
arbres de mon jardin; je cours a la pendule, elle marque dix heures. Je
saute sur ma femme de chambre, je la secoue, je l'eveille en sursaut:
"Quinette, quel jour sommes-nous?" Elle quitte sa chaise en criant
et veut fuir, car elle me croit dans le delire; je la retiens, je la
rassure; j'apprends que j'ai dormi trois heures seulement. Je remercie
Dieu. Je demande un fiacre; Quinette me regarde avec stupeur. Enfin elle
se convainc que j'ai toute ma tete; elle transmet mon ordre et s'apprete
a m'habiller.
Je me fis donner le plus simple et le plus chaste de mes habits; je ne
placai dans mes cheveux aucun ornement; je refusai de mettre du rouge.
Je voulais avant tout inspirer a L
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