ents de musique, d'une richesse extraordinaire, etaient
epars sur des meubles de velours blanc a glands de perles. Toute la
lumiere arrivait du haut, mais cachee par des feuilles d'albatre, qui
formaient comme un plafond a la rotonde. On aurait pu prendre cette
clarte mate et douce pour celle de la lune. J'examinai avec curiosite,
avec interet, cette retraite, a laquelle mes souvenirs ne pouvaient rien
comparer. C'etait et ce fut la seule fois de ma vie que je mis le pied
dans une petite maison; mais soit que ce ne fut pas la piece destinee
a servir de temple aux galants mysteres qui s'y celebraient, soit que
Lelio en eut fait disparaitre tout objet qui eut pu blesser ma vue et
me faire souffrir de ma situation, ce lieu ne justifiait aucune des
repugnances que j'avais senties en y entrant. Une seule statue de marbre
blanc en decorait le milieu; elle etait antique, et representait Isis
voilee, avec un doigt sur ses levres. Les glaces qui nous refletaient,
elle et moi, pales et vetues de blanc, et chastement drapees toutes
deux, me faisaient illusion au point qu'il me fallait remuer pour
distinguer sa forme de la mienne.
Tout d'un coup ce silence morne, effrayant et delicieux a la fois, fut
interrompu; la porte du fond s'ouvrit et se referma; des pas legers
firent doucement craquer les parquets. Je tombai sur un fauteuil, plus
morte que vive; j'allais voir Lelio de pres, hors du theatre. Je fermai
les yeux, et je lui dis interieurement adieu avant de les rouvrir.
Mais quelle fut ma surprise! Lelio etait beau comme les anges; il
n'avait pas pris le temps d'oter son costume de theatre: c'etait le plus
elegant que je lui eusse vu. Sa taille, mince et souple, etait serree
dans un pourpoint espagnol de satin blanc. Ses noeuds d'epaule et de
jarretiere etaient en ruban rouge-cerise; un court manteau, de meme
couleur, etait jete sur son epaule. Il avait une enorme fraise de point
d'Angleterre, les cheveux courts et sans poudre; une toque ombragee de
plumes blanches se balancait sur son front, ou brillait une rosace de
diamants. C'etait dans ce costume qu'il venait de jouer le role de don
Juan du _Festin de Pierre_. Jamais je ne l'avais vu aussi beau, aussi
jeune, aussi poetique, que dans ce moment. Velasquez se fut prosterne
devant un tel modele.
Il se mit a mes genoux. Je ne pus m'empecher de lui tendre la main. Il
avait l'air si craintif et si soumis! Un homme epris au point d'etre
timide devant une femme, c'etait si rare
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