la
dissimulation et bien de la finesse pour le cacher pendant cinq ans a
Larrieux, qui etait le plus jaloux des hommes, et a tous les mechants
qui m'entouraient.
Il faut vous dire qu'au lieu de la combattre je m'y livrais avec
avidite, avec delices. Elle etait si pure! Pourquoi donc en aurais-je
rougi? Elle me creait une vie nouvelle; elle m'initiait enfin a tout ce
que j'avais desire connaitre et sentir; jusqu'a un certain point elle me
faisait femme.
J'etais heureuse, j'etais fiere de me sentir trembler, etouffer,
defaillir. La premiere fois qu'une violente palpitation vint eveiller
mon coeur inerte, j'eus autant d'orgueil qu'une jeune mere au premier
mouvement de l'enfant renferme dans son sein. Je devins boudeuse,
rieuse, maligne, inegale. Le bon Larrieux observa que la devotion
me donnait de singuliers caprices. Dans le monde, on trouva que
j'embellissais chaque jour davantage, que mon oeil noir se veloutait,
que mon sourire avait de la pensee, que mes remarques sur toutes choses
portaient plus juste et allaient plus loin qu'on ne m'en aurait crue
capable. On en fit tout l'honneur a Larrieux, qui en etait pourtant bien
innocent.
Je suis decousue dans mes souvenirs, parce que voici une epoque de ma
vie ou ils m'inondent. En vous les disant, il me semble que je rajeunis
et que mon coeur bat encore au nom de Lelio. Je vous disais tout a
l'heure qu'en entendant sonner la pendule je fremissais de joie et
d'impatience. Maintenant encore il me semble ressentir l'espece de
suffocation delicieuse qui s'emparait de moi au timbre de cette
sonnerie. Depuis ce temps-la des vicissitudes de fortune m'ont amenee a
me trouver fort heureuse dans un petit appartement du Marais. Eh bien!
je ne regrette rien de mon riche hotel, de mon noble faubourg et de ma
splendeur passee, que les objets qui m'eussent rappele ce temps d'amour
et de reves. J'ai sauve du desastre quelques meubles qui datent de cette
epoque, et que je regarde avec la meme emotion que si l'heure allait
sonner, et que si le pied de mes chevaux battait le pave. Oh! mon
enfant, n'aimez jamais ainsi; car c'est un orage qui ne s'apaise qu'a la
mort!
Alors je partais, vive, et legere, et jeune, et heureuse! Je commencais
a apprecier tout ce dont se composait ma vie, le luxe, la jeunesse, la
beaute. Le bonheur se revelait a moi par tous les sens, par tous les
pores. Doucement pliee au fond de mon carrosse, les pieds enfonces dans
la fourrure, je voyais ma figure bri
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