rdu un portefeuille?" se met-il a crier. Personne ne peut assurer
avoir perdu son portefeuille; mais l'emotion est vive, quand on apprend
que la trouvaille est de valeur. Le bateau, cependant, ne peut attendre.
"Le temps et la maree n'attendent personne," crie le capitaine.
"Pour l'amour de Dieu, encore quelques minutes!" dit l'auteur de la
trouvaille; "le vrai proprietaire va se presenter."
"On ne peut attendre!" replique le capitaine; "larguez, entendez vous!"
"Que vais-je donc faire?" demande l'homme, en grande peine. "Je vais
quitter le pays pour quelques annees, et je ne puis en conscience garder
cette somme enorme en ma possession.--Pardon, monsieur, (s'adressant a
un gentilhomme sur la rive) mais vous m'avez l'air d'un honnete homme.
Voulez-vous me rendre le service de vous charger de ce portefeuille--je
vois que je puis me fier a vous--et de le faire publier? Les billets,
vous le voyez, montent a une somme fort considerable. Le proprietaire,
sans aucun doute, tiendra a vous recompenser de votre peine."
"Moi?--non, vous! C'est vous qui l'avez trouve."
"Oui, si vous y tenez.--Je veux bien accepter un leger
retour--uniquement pour faire taire vos scrupules. Voyons--ces billets
sont tous des billets de mille--Dieu me benisse! un millier de dollars
serait trop--cinquante seulement, c'est bien assez!"
"Larguez!" dit le capitaine.
"Mais je n'ai pas la monnaie de cent, et en somme, vous feriez
mieux...."
"Larguez!" dit le capitaine.
"Attendez donc!" crie le gentilhomme qui vient d'examiner pendant la
derniere minute son propre portefeuille. "Attendez donc! J'ai
votre affaire. Voici un billet de cinquante sur la banque du North
America.--donnez-moi le portefeuille."
Le toujours tres consciencieux auteur de la trouvaille prend le billet
de cinquante avec une repugnance marquee, et jette au gentilhomme le
portefeuille, pendant que le steamboat fume et siffle en s'ebranlant.
Une demi-heure apres son depart, le gentilhomme s'apercoit que "les
valeurs considerables" ne sont que des billets faux, et toute l'histoire
une pure filouterie.
Voici une filouterie hardie. Un champ de foire, ou quelque chose
d'analogue doit se tenir dans un endroit ou l'on n'a acces que par un
pont libre. Un filou s'installe sur ce pont, et informe respectueusement
tous les passants de la nouvelle loi qui vient d'etablir un droit de
peage d'un centime par tete d'homme, de deux centimes par tete de cheval
ou d'ane, et ainsi de
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