ire qu'on a abuse de l'innocence des gens--et c'etait
pour moi un supplice d'entendre de quelle facon toute la ville chargeait
de ses maledictions Tom Dobson et Bobby Tompkins. Je me lavai les mains
de l'affaire et lachai tout de degout.
Ma huitieme et derniere speculation fut l'_Elevage des Chats_. J'ai
trouve la un genre d'affaires tres agreable et tres lucratif, et pas la
moindre peine. Le pays, comme on le sait, etait infeste de chats,--si
bien que pour s'en debarrasser on avait fait une petition signee d'une
foule de noms respectables, presentee a la Chambre dans sa derniere et
memorable session. L'assemblee, a cette epoque, etait extraordinairement
bien informee, et apres avoir promulgue beaucoup d'autres sages et
salutaires institutions, couronna le tout par la loi sur les chats. Dans
sa forme primitive, cette loi offrait une prime pour tant de _tetes_
de chats (quatre sous par tete); mais le Senat parvint a amender cette
clause importante, et a substituer le mot _queues_ au mot _tetes_. Cet
amendement etait si naturel et si convenable que la Chambre l'accepta a
l'unanimite.
Aussitot que le gouverneur eut signe le bill, je mis tout ce que j'avais
dans l'achat de Toms et de Tabbies[58]. D'abord, je ne pus les nourrir
que de souris (les souris sont a bon marche); mais ils remplirent le
commandement de l'Ecriture d'une facon si merveilleuse, que je finis par
comprendre que ce que j'avais de mieux a faire, c'etait d'etre liberal,
et ainsi je leur accordai huitres et tortues. Leurs queues, au taux
legislatif, me procurent aujourd'hui un honnete revenu; car j'ai
decouvert une methode avec laquelle, sans avoir recours a l'huile de
Macassar, je puis arriver a quatre coupes par an. Je fus enchante de
decouvrir aussi, que ces animaux s'habituaient bien vite a la chose, et
preferaient avoir la queue coupee qu'autrement. Je me considere donc
comme un homme arrive, et je suis en train de marchander un sejour de
plaisance sur l'Hudson.
L'ENSEVELISSEMENT PREMATURE
Il y a certains themes d'un interet tout a fait empoignant, mais qui
sont trop completement horribles pour devenir le sujet d'une fiction
reguliere. Ces sujets-la, les purs romanciers doivent les eviter, s'ils
ne veulent pas offenser ou degouter. Ils ne peuvent convenablement
etre mis en oeuvre, que s'ils sont soutenus et comme sanctifies par la
severite et la majeste de la verite. Nous fremissons, par exemple, de
la plus poignante des "voluptes doulou
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