ience demontre que les cryptographies les plus habilement
construites, une fois suspectees, finissent toujours par etre
dechiffrees.
On pourrait imaginer un mode de communication secrete d'une surete peu
commune; le voici: les correspondants se munissent chacun de la meme
edition d'un livre--l'edition la plus rare est la meilleure--comme
aussi le livre le plus rare. Dans la cryptographie, on emploie les
nombres, et ces nombres renvoient a l'endroit qu'occupent les lettres
dans le volume. Par exemple--on recoit un chiffre qui commence ainsi:
121-6-8. On n'a alors qu'a se reporter a la page 121, sixieme lettre a
gauche de la page a la huitieme ligne a partir du haut de la page. Cette
lettre est la lettre initiale de l'epitre--et ainsi de suite. Cette
methode est tres sure; cependant il est encore _possible_ de dechiffrer
une cryptographie ecrite d'apres ce plan--et d'autre part une grande
objection qu'elle encourt, c'est le temps considerable qu'exige sa
solution, meme avec le volume-clef.
Il ne faudrait pas supposer que la cryptographie serieuse, comme moyen
de faire parvenir d'importantes informations, a cesse d'etre en usage
de nos jours. Elle est communement pratiquee en diplomatie; et il y a
encore aujourd'hui des individus, dont le metier est celui de dechiffrer
les cryptographies sous l'oeil des divers gouvernements. Nous avons dit
plus haut que la solution du probleme cryptographique met singulierement
en jeu l'activite mentale, au moins dans les cas de chiffres d'un ordre
plus eleve. Les bons cryptographes sont rares, sans doute; aussi leurs
services, quoique rarement reclames, sont necessairement bien payes.
Nous trouvons un exemple de l'emploi moderne de l'ecriture chiffree
dans un ouvrage publie dernierement par MM. Lea et Blanchard de
Philadelphie:--"Esquisses des hommes remarquables de France actuellement
vivants." Dans une notice sur Berryer, il est dit qu'une lettre adressee
par la Duchesse de Berri aux Legitimistes de Paris pour les informer de
son arrivee, etait accompagnee d'une longue note chiffree, dont on
avait oublie d'envoyer la clef. "L'esprit penetrant de Berryer," dit le
biographe, "l'eut bientot decouverte. C'etait cette phrase substituee
aux 24 lettres de l'alphabet:--"_Le gouvernement provisoire._"
Cette assertion que "Berryer eut bientot decouvert la phrase-clef,"
prouve tout simplement que l'auteur de ces notices est de la derniere
innocence en fait de science cryptographique. M. Ber
|