conscience de
mon etat. Je sens que je ne me reveille pas d'un sommeil ordinaire. Je
me souviens que je suis sujet a la catalepsie. Et bientot enfin, comme
par un debordement d'ocean, mon esprit fremissant est submerge par
la pensee de l'unique et effroyable danger--l'unique idee spectrale,
envahissante.
Pendant les quelques minutes qui suivirent ce cauchemar, je restai sans
mouvement. Je ne me sentais pas le courage de me mouvoir. Je n'osais
pas faire l'effort necessaire pour me rendre compte de ma destinee; et
cependant il y avait quelque chose dans mon coeur qui me murmurait que
_c'etait vrai_. Le desespoir--un desespoir tel qu'aucune autre espece de
misere n'en peut inspirer a un etre humain--le desespoir seul me poussa
apres une longue irresolution a soulever les lourdes paupieres de mes
yeux. Je les soulevai. Il faisait noir--tout noir. Je reconnus que
l'acces etait passe. Je reconnus que ma crise etait depuis longtemps
terminee. Je reconnus que j'avais maintenant recouvre l'usage de mes
facultes visuelles.--Et cependant il faisait noir--tout noir--l'intense
et complete obscurite de la nuit qui ne finit jamais.
J'essayai de crier, mes levres et ma langue dessechees se murent
convulsivement a la fois dans cet effort;--mais aucune voix ne sortit
des cavernes de mes poumons, qui, oppressees comme sous le poids d'une
montagne, s'ouvraient et palpitaient avec le coeur, a chacune de mes
penibles et haletantes aspirations.
Le mouvement de mes machoires dans l'effort que je fis pour crier me
montra qu'elles etaient liees, comme on le fait d'ordinaire pour les
morts. Je sentis aussi que j'etais couche sur quelque chose de dur,
et qu'une substance analogue comprimait rigoureusement mes flancs.
Jusque-la je n'avais pas ose remuer aucun de mes membres;--mais alors
je levai violemment mes bras, qui etaient restes etendus les poignets
croises. Ils heurterent une substance solide, une paroi de bois, qui
s'etendait au dessus de ma personne, et n'etait pas separee de ma face
de plus de six pouces. Je ne pouvais plus en douter, je reposais bel et
bien dans un cercueil.
Cependant au milieu de ma misere infinie l'ange de l'esperance vint me
visiter;--je songeai a mes precautions si bien prises. Je me tordis, fis
mainte evolution spasmodique pour ouvrir le couvercle; il ne bougea
pas. Je tatai mes poignets pour y chercher la corde de la cloche; je
ne trouvai rien. L'esperance s'enfuit alors pour toujours, et le
desespoir--un
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