faut! dit le musicien; car je
cherchais un homme et non des betes sauvages.
Puis il se remit a jouer d'une facon si harmonieuse et si magique, que
le pauvre homme resta la immobile comme sous l'empire d'un charme, et
que son coeur deborda de joie. C'est en ce moment qu'arriverent le loup,
le renard et le levraut. Le bucheron n'eut pas de peine a remarquer que
ses camarades n'avaient pas les meilleures intentions. En consequence,
il saisit sa hache brillante et se placa devant le musicien, d'un air
qui voulait dire:
--Celui qui en veut au menetrier fera bien de se tenir sur ses gardes,
car il aura affaire a moi.
Aussi la peur s'empara-t-elle des animaux conjures, qui retournerent
en courant dans la foret. Le musicien temoigna sa reconnaissance au
bucheron en lui jouant encore un air melodieux, puis il s'eloigna.
LE RENARD ET LES OIES.
Un jour qu'il rodait selon sa coutume, maitre renard arriva dans une
prairie ou une troupe de belles oies bien grasses se prelassait au
soleil.
A cette vue, notre chercheur d'aventures poussa un eclat de rire
effrayant, et s'ecria:
--En verite, je ne pouvais venir plus a propos! vous voila alignees
d'une facon si commode, que je n'aurai guere besoin de me deranger pour
vous croquer l'une apres l'autre.
A ces mots, les oies epouvantees pousserent des cris lamentables et
supplierent le renard de vouloir bien se laisser toucher et de ne point
leur oter la vie.
Elles eurent beau dire et beau faire, maitre renard resta inebranlable.
--Il n'y a pas de grace possible, repondit-il, votre derniere heure a
sonne.
Cet arret cruel donna de l'esprit a l'une des oies qui, prenant la
parole au nom de la troupe:
--Puisqu'il nous faut, dit-elle, renoncer aux douces voluptes des pres
et des eaux, soyez assez genereux pour nous accorder la derniere faveur
qu'on ne refuse jamais a ceux qui doivent mourir; promettez de ne nous
oter la vie que lorsque nous aurons acheve notre priere; ce devoir
accompli, nous nous mettrons sur une ligne, de facon a ce que vous
puissiez devorer successivement les plus grasses d'entre nous.
--J'y consens, repondit le renard; votre demande est trop juste pour
n'etre point accueillie: commencez donc votre priere; j'attendrai
qu'elle soit finie.
Aussitot, une des oies entonna une interminable priere, un peu monotone
a la verite, car elle ne cessait de dire: caa-caa-caa. Et comme, dans
son zele, la pauvre bete ne s'interrompait jamais, la secon
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