e veux aller voir
moi-meme a quelle espece de monstre nous allons avoir affaire.
Cela dit, notre homme penetra d'un pied hardi dans la grange, et se mit
a regarder en tous sens.
Il n'eut pas plutot vu de ses propres yeux l'etrange et horrible
bete, qu'il fut saisi d'un effroi pour le moins egal a celui de son
domestique. En deux bonds il fut hors de la grange, et courut prier ses
voisins de vouloir bien lui preter aide et assistance contre un monstre
affreux et inconnu:
--Il y va de votre propre salut, leur dit-il; car si ce terrible animal
parvient a s'evader de ma grange, c'en est fait de la ville entiere!
En moins de quelques minutes, des cris d'alarme retentirent par toutes
les rues; les habitants arriverent armes de piques, de fourches et de
faux, comme s'il se fut agi d'une sortie contre l'ennemi; puis enfin
parurent, en grand costume et revetus de leur echarpe, les conseillers
de la commune avec le bourgmestre en tete. Apres s'etre mis en rang sur
la place, ils s'avancerent militairement vers la grange qu'ils cernerent
de tous cotes. Alors le plus courageux de la troupe sortit du cercle, et
se risqua a penetrer dans la grange, la pique en avant; mais on l'en vit
ressortir aussitot a toutes jambes, pale comme la mort, et poussant de
grands cris.
Deux autres bourgeois intrepides oserent encore apres lui tenter
l'aventure, mais ils ne reussirent pas mieux.
A la fin, on vit se presenter un homme d'une stature colossale et d'une
force prodigieuse. C'etait un ancien soldat qui, par sa bravoure,
s'etait fait une reputation a la guerre.
--Ce n'est pas en allant vous montrer les uns apres les autres, dit-il,
que vous parviendrez a vous debarrasser du monstre; il s'agit ici
d'employer la force, mais je vois avec peine que la peur a fait de vous
autant de femmes.
Cela dit, notre valeureux guerrier se fit apporter cuirasse, glaive et
lance, puis il s'arma en guerre.
Chacun vantait son courage, quoique presque tous fussent persuades qu'il
courait a une mort certaine.
Les deux portes de la grange furent ouvertes, et l'on put voir alors la
chouette qui etait allee se poser sur une poutre du milieu. Le soldat se
decida a monter a l'assaut. En consequence, on lui apporta une echelle
qu'il placa contre la poutre.
Au moment ou il s'appretait a monter, ses camarades lui crierent en
coeur de se conduire en homme; puis, ils le recommanderent a saint
Georges qui, chacun le sait, dompta jadis le dragon.
Quand
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