lucarne par laquelle ils avaient penetre
dans la cave, afin de prendre la mesure de son ventre.
Etonne de ce manege, le loup lui dit entre deux coups de dents.
--Ami renard, explique-moi donc pourquoi tu perds ainsi ton temps a
courir de droite a gauche, puis a passer et a repasser par ce trou?
--C'est pour m'assurer que personne ne vient, reprit le ruse renard. Que
votre seigneurie prenne seulement garde de se donner une indigestion.
--Je ne sortirai d'ici, repliqua le loup, que lorsqu'il ne restera plus
rien dans le tonneau.
Dans l'intervalle, arriva le paysan, attire par le bruit que faisaient
les bonds du renard. Ce dernier n'eut pas plutot apercu notre homme,
qu'en un saut il fut hors de la cave; sa seigneurie le loup voulut le
suivre, mais par malheur, il avait tant mange que son ventre ne put
passer par la lucarne, et qu'il y resta suspendu. Le paysan eut donc
tout le temps d'aller chercher une fourche dont il perca le pauvre loup.
Sans sa gloutonnerie, se dit le renard, en riant dans sa barbe, je ne
serais pas encore debarrasse de cet importun compagnon.
LA CHOUETTE.
Il y a environ quelques siecles, lorsque les hommes n'etaient pas encore
aussi fins et aussi ruses qu'ils le sont aujourd'hui, il arriva une
singuliere histoire dans je ne sais plus qu'elle petite ville, fort peu
familiarisee, comme on va le voir, avec les oiseaux nocturnes.
A la faveur d'une nuit tres-obscure, une chouette, venue d'une foret
voisine, s'etait introduite dans la grange d'un habitant de la petite
ville en question, et, quand reparut le jour, elle n'osa pas sortir de
sa cachette, par crainte des autres oiseaux qui n'auraient pas manque de
la saluer d'un concert de cris menacants.
Or, il arriva que le domestique vint chercher une botte de paille dans
la grange; mais a la vue des yeux ronds et brillants de la chouette
tapie dans un coin, il fut saisi de frayeur, qu'il prit ses jambes a son
cou, et courut annoncer a son maitre qu'un monstre comme il n'en avait
encore jamais vu se tenait cache dans la grange, qu'il roulait dans
ses orbites profondes des yeux terribles, et qu'a coup sur cette bete
avalerait un homme sans ceremonie et sans difficulte.
--Je te connais, beau masque, lui repondit son maitre; s'il ne s'agit
que de faire la chasse aux merles dans la plaine, le coeur ne te manque
pas; mais apercois-tu un pauvre coq etendu mort contre terre, avant de
t'en approcher, tu as soin de t'armer d'un baton. J
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