en faveur de
la religion reformee, a croire que toute la cour allait se faire
protestante. L'amiral lui-meme, malgre son experience, s'y etait
laisse prendre comme les autres, et il en avait la tete tellement
montee, qu'un soir il avait oublie, pendant deux heures, de macher
son cure-dent, occupation a laquelle il se livrait d'ordinaire
depuis deux heures de l'apres-midi, moment ou son diner finissait,
jusqu'a huit heures du soir, moment auquel il se remettait a table
pour souper.
Le soir ou l'amiral s'etait laisse aller a cet incroyable oubli de
ses habitudes, le roi Charles IX avait invite a gouter avec lui,
en petit comite, Henri de Navarre et le duc de Guise. Puis, la
collation terminee, il avait passe avec eux dans sa chambre, et la
il leur expliquait l'ingenieux mecanisme d'un piege a loups qu'il
avait invente lui-meme, lorsque, s'interrompant tout a coup:
-- Monsieur l'amiral ne vient-il donc pas ce soir? demanda-t-il;
qui l'a apercu aujourd'hui et qui peut me donner de ses nouvelles?
-- Moi, dit le roi de Navarre, et au cas ou Votre Majeste serait
inquiete de sa sante, je pourrais la rassurer, car je l'ai vu ce
matin a six heures et ce soir a sept.
-- Ah! ah! fit le roi, dont les yeux un instant distraits se
reposerent avec une curiosite percante sur son beau-frere, vous
etes bien matineux, Henriot, pour un jeune marie!
-- Oui, Sire, repondit le roi de Bearn, je voulais savoir de
l'amiral, qui sait tout, si quelques gentilshommes que j'attends
encore ne sont point en route pour venir.
-- Des gentilshommes encore! vous en aviez huit cents le jour de
vos noces, et tous les jours il en arrive de nouveaux, voulez-vous
donc nous envahir? dit Charles IX en riant.
Le duc de Guise fronca le sourcil.
-- Sire, repliqua le Bearnais, on parle d'une entreprise sur les
Flandres, et je reunis autour de moi tous ceux de mon pays et des
environs que je crois pouvoir etre utiles a Votre Majeste.
Le duc, se rappelant le projet dont le Bearnais avait parle a
Marguerite le jour de ses noces, ecouta plus attentivement.
-- Bon! bon! repondit le roi avec son sourire fauve, plus il y en
aura, plus nous serons contents; amenez, amenez, Henri. Mais qui
sont ces gentilshommes? des vaillants, j'espere?
-- J'ignore, Sire, si mes gentilshommes vaudront jamais ceux de
Votre Majeste, ceux de monsieur le duc d'Anjou ou ceux de monsieur
de Guise, mais je les connais et sais qu'ils feront de leur mieux.
-- En attendez-
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