es vers, dut-on s'en indigner, Doit etre a plus
haut prix que celui de regner; Tous deux egalement nous portons
des couronnes: Mais roi, je les recus, poete, tu les donnes; Ton
esprit, enflamme d'une celeste ardeur, Eclate par soi-meme et moi
par ma grandeur. Si du cote des dieux je cherche l'avantage,
Ronsard est leur mignon et je suis leur image. Ta lyre, qui ravit
par de si doux accords, Te soumet les esprits dont je n'ai que les
corps; Elle t'en rend le maitre et te fait introduire Ou le plus
fier tyran n'a jamais eu d'empire._
_-- _Sire, dit Coligny, je savais bien que Votre Majeste
s'entretenait avec les Muses, mais j'ignorais qu'elle en eut fait
son principal conseil.
-- Apres toi, mon pere, apres toi; et c'est pour ne pas me
troubler dans mes relations avec elles que je veux te mettre a la
tete de toutes choses. Ecoute donc: il faut en ce moment que je
reponde a un nouveau madrigal que mon grand et cher poete m'a
envoye... je ne puis donc te donner a cette heure tous les papiers
qui sont necessaires pour te mettre au courant de la grande
question qui nous divise, Philippe II et moi. Il y a, en outre,
une espece de plan de campagne qui avait ete fait par mes
ministres. Je te chercherai tout cela et je te le remettrai demain
matin.
-- A quelle heure, Sire?
-- A dix heures; et si par hasard j'etais occupe de vers, si
j'etais enferme dans mon cabinet de travail... eh bien, tu
entrerais tout de meme, et tu prendrais tous les papiers que tu
trouverais sur cette table, enfermes dans ce portefeuille rouge;
la couleur est eclatante, et tu ne t'y tromperas pas; moi, je vais
ecrire a Ronsard.
-- Adieu, Sire.
-- Adieu, mon pere.
-- Votre main?
-- Que dis-tu, ma main? dans mes bras, sur mon coeur, c'est la ta
place. Viens, mon vieux guerrier, viens. Et Charles IX, attirant a
lui Coligny qui s'inclinait, posa ses levres sur ses cheveux
blancs. L'amiral sortit en essuyant une larme.
Charles IX le suivit des yeux tant qu'il put le voir, tendit
l'oreille tant qu'il put l'entendre; puis, lorsqu'il ne vit et
n'entendit plus rien, il laissa, comme c'etait son habitude,
retomber sa tete pale sur son epaule, et passa lentement de la
chambre ou il se trouvait dans son cabinet d'armes.
Ce cabinet etait la demeure favorite du roi; c'etait la qu'il
prenait ses lecons d'escrime avec Pompee, et ses lecons de poesie
avec Ronsard. Il y avait reuni une grande collection d'armes
offensives et defensives des plus bell
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