mblancay, petite-fille du malheureux
Semblancay et femme de Simon de Fizes, baron de Sauve, etait une
des dames d'atours de Catherine de Medicis, et l'une des plus
redoutables auxiliaires de cette reine, qui versait a ses ennemis
le philtre de l'amour quand elle n'osait leur verser le poison
florentin; petite, blonde, tour a tour petillante de vivacite ou
languissante de melancolie, toujours prete a l'amour et a
l'intrigue, les deux grandes affaires qui, depuis cinquante ans,
occupaient la cour des trois rois qui s'etaient succede; femme
dans toute l'acception du mot et dans tout le charme de la chose,
depuis l'oeil bleu languissant ou brillant de flammes jusqu'aux
petits pieds mutins et cambres dans leurs mules de velours, madame
de Sauve s'etait, depuis quelques mois deja, emparee de toutes les
facultes du roi de Navarre, qui debutait alors dans la carriere
amoureuse comme dans la carriere politique; si bien que Marguerite
de Navarre, beaute magnifique et royale, n'avait meme plus trouve
l'admiration au fond du coeur de son epoux; et, chose etrange et
qui etonnait tout le monde, meme de la part de cette ame pleine de
tenebres et de mysteres, c'est que Catherine de Medicis, tout en
poursuivant son projet d'union entre sa fille et le roi de
Navarre, n'avait pas discontinue de favoriser presque ouvertement
les amours de celui-ci avec madame de Sauve. Mais malgre cette
aide puissante et en depit des moeurs faciles de l'epoque, la
belle Charlotte avait resiste jusque-la; et de cette resistance
inconnue, incroyable, inouie, plus encore que de la beaute et de
l'esprit de celle qui resistait, etait nee dans le coeur du
Bearnais une passion qui, ne pouvant se satisfaire, s'etait
repliee sur elle-meme et avait devore dans le coeur du jeune roi
la timidite, l'orgueil et jusqu'a cette insouciance, moitie
philosophique, moitie paresseuse, qui faisait le fond de son
caractere.
Madame de Sauve venait d'entrer depuis quelques minutes seulement
dans la salle de bal: soit depit, soit douleur, elle avait resolu
d'abord de ne point assister au triomphe de sa rivale, et, sous le
pretexte d'une indisposition, elle avait laisse son mari,
secretaire d'Etat depuis cinq ans, venir seul au Louvre. Mais en
apercevant le baron de Sauve sans sa femme, Catherine de Medicis
s'etait informee des causes qui tenaient sa bien-aimee Charlotte
eloignee; et, apprenant que ce n'etait qu'une legere
indisposition, elle lui avait ecrit quelques mots d'appe
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