, avait fait un serment solennel:
c'etait de venger la mort de son pere sur l'amiral et sur sa
famille, et de poursuivre ceux de sa religion sans treve ni
relache, ayant promis a Dieu d'etre son ange exterminateur sur la
terre jusqu'au jour ou le dernier heretique serait extermine. Ce
n'etait donc pas sans un profond etonnement qu'on voyait ce
prince, ordinairement si fidele a sa parole, tendre la main a ceux
qu'il avait jure de tenir pour ses eternels ennemis et causer
familierement avec le gendre de celui dont il avait promis la mort
a son pere mourant.
Mais, nous l'avons dit, cette soiree etait celle des etonnements.
En effet, avec cette connaissance de l'avenir qui manque
heureusement aux hommes, avec cette faculte de lire dans les
coeurs qui n'appartient malheureusement qu'a Dieu, l'observateur
privilegie auquel il eut ete donne d'assister a cette fete, eut
joui certainement du plus curieux spectacle que fournissent les
annales de la triste comedie humaine.
Mais cet observateur qui manquait aux galeries interieures du
Louvre, continuait dans la rue a regarder de ses yeux flamboyants
et a gronder de sa voix menacante: cet observateur c'etait le
peuple, qui, avec son instinct merveilleusement aiguise par la
haine, suivait de loin les ombres de ses ennemis implacables et
traduisait leurs impressions aussi nettement que peut le faire le
curieux devant les fenetres d'une salle de bal hermetiquement
fermee. La musique enivre et regle le danseur, tandis que le
curieux voit le mouvement seul et rit de ce pantin qui s'agite
sans raison, car le curieux, lui, n'entend pas la musique.
La musique qui enivrait les huguenots, c'etait la voix de leur
orgueil.
Ces lueurs qui passaient aux yeux des Parisiens au milieu de la
nuit, c'etaient les eclairs de leur haine qui illuminaient
l'avenir.
Et cependant tout continuait d'etre riant a l'interieur, et meme
un murmure plus doux et plus flatteur que jamais courait en ce
moment par tout le Louvre: c'est que la jeune fiancee, apres etre
allee deposer sa toilette d'apparat, son manteau trainant et son
long voile, venait de rentrer dans la salle de bal, accompagnee de
la belle duchesse de Nevers, sa meilleure amie, et menee par son
frere Charles IX, qui la presentait aux principaux de ses hotes.
Cette fiancee, c'etait la fille de Henri II, c'etait la perle de
la couronne de France, c'etait Marguerite de Valois, que, dans sa
familiere tendresse pour elle, le roi Charles IX
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