e, me dit-il, un cadeau
qui lui fera plaisir. C'est un collier qu'elle a vu chez Boucheron.
C'est un peu cher pour moi en ce moment: trente mille francs. Mais ce
pauvre loup, elle n'a pas tant de plaisir dans la vie. Elle va etre
joliment contente. Elle m'en avait parle et elle m'avait dit qu'elle
connaissait quelqu'un qui le lui donnerait peut-etre. Je ne crois pas
que ce soit vrai, mais je me suis a tout hasard entendu avec Boucheron,
qui est le fournisseur de ma famille, pour qu'il me le reserve. Je suis
heureux de penser que tu vas la voir; elle n'est pas extraordinaire
comme figure, tu sais (je vis bien qu'il pensait tout le contraire et ne
disait cela que pour que mon admiration fut plus grande), elle a surtout
un jugement merveilleux; devant toi elle n'osera peut-etre pas beaucoup
parler, mais je me rejouis d'avance de ce qu'elle me dira ensuite de
toi; tu sais, elle dit des choses qu'on peut approfondir indefiniment,
elle a vraiment quelque chose de pythique.
Pour arriver a la maison qu'elle habitait, nous longions de petits
jardins, et je ne pouvais m'empecher de m'arreter, car ils avaient toute
une floraison de cerisiers et de poiriers; sans doute vides et inhabites
hier encore comme une propriete qu'on n'a pas louee, ils etaient
subitement peuples et embellis par ces nouvelles venues arrivees de la
veille et dont a travers les grillages on apercevait les belles robes
blanches au coin des allees.
--Ecoute, puisque je vois que tu veux regarder tout cela, etre poetique,
me dit Robert, attends-moi la, mon amie habite tout pres, je vais aller
la chercher.
En l'attendant je fis quelques pas, je passais devant de modestes
jardins. Si je levais la tete, je voyais quelquefois des jeunes filles
aux fenetres, mais meme en plein air et a la hauteur d'un petit etage,
ca et la, souples et legeres, dans leur fraiche toilette mauve,
suspendues dans les feuillages, de jeunes touffes de lilas se laissaient
balancer par la brise sans s'occuper du passant qui levait les yeux
jusqu'a leur entresol de verdure. Je reconnaissais en elles les pelotons
violets disposes a l'entree du parc de M. Swann, passe la petite
barriere blanche, dans les chauds apres-midi du printemps, pour une
ravissante tapisserie provinciale. Je pris un sentier qui aboutissait a
une prairie. Un air froid y soufflait vif comme a Combray, mais, au
milieu de la terre grasse, humide et campagnarde qui eut pu etre au bord
de la Vivonne, n'en avait pas moins s
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